Quelle meilleure entrée en matière pour arriver en Bolivie que 3 jours de 4x4 dans les décors extraterrestres du salar d'Uyuni ? On a cherché, on n'a pas trouvé. Alors, on embarque !
C'est la suite logique après San Pedro de Atacama : nous l'avons traversé du 11 au 13 juillet 2018.
Jour 1
Frais comme des gardons, nos sacs sur les épaules, nous quittons la Casa de los Musicos à l'aube sur la pointe des pieds par la porte de derrière. Pourquoi, me demanderez-vous ? Eh bien, souvenez vous qu'il y a une **** de guitare accrochée au dessus de la porte et un médiator qui ne demande qu'à gratter ses cordes libres. Un arpège à 6h30 du matin ça fait mauvais genre et risque de réveiller tout le monde (en plus, c'est pas bon pour le cœur de Miguel). Jusqu'à 7h20, nous attendons notre minibus qui arrive en retard et qui va nous mener à la frontière sud de la Bolivie. La veille, nous avons dit au revoir à Lucile et Vincent qui vont visiter la mine de lithium à Calama et rendre la voiture.
Tous les minibus se garent le long de la route derrière une barrière, on déjeune sur le bas côté avant que la route vers la frontière n'ouvre. En buvant notre mate de coca, on rencontre Juliette, Alex, Max et Coco avec qui on va partager le 4x4 ces prochains jours. Ces 4 là, tous étudiants, voyagent ensemble depuis quelques semaines déjà. D'un coup, les tables sont repliées à la hâte et les chauffeurs se ruent derrière leurs guidons, la barrière est levée : l'ascension vers le poste frontière commence.
Notre chauffeur roule un peu comme un sauvage et on est rapidement dans les 4000m. On commence à ressentir les effets de l'altitude et Ophé, la fatigue n'aidant pas, est un peu angoissée et a les mains moites (il paraît que c'est un des effets de l'altitude) à cause de cette montée rapide. On passe la frontière sans question et les sacs ne sont pas fouillés (aucun problème avec la coca dans ce sens là, Evo Morales le président bolivien en a fait un des symboles du pays et du peuple andin). Et voilà, un tampon de plus dans notre passeport, sous l'œil protecteur du volcan Lascar (5500m) qui se tient tranquille depuis fin 2015.
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Vieux Lascar |
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Bienvenida a Bolivia |
On sent déjà qu'on a changé de pays et de culture. Nous apercevons une femme en tenue traditionnelle : cette frontière est passée par beaucoup de touristes, mais aussi quelques locaux. On fait la connaissance de notre chauffeur, guide et cuisto, Ascencio et on prend rapidement la route en 4x4. Coco, qui parle le mieux espagnol, est devant avec le chauffeur, et nous sommes 4 sur les deux rangs de sièges arrière. Les sacs et les bouteilles d'eau sont ficelés sur le toit. Ascencio sillonne le désert du sud Lipez et le salar d'Uyuni depuis plus de 10 ans. Il connaît les pistes comme sa poche et roule à 80km/h dans le sable, en dérapant parfois mais avec une maîtrise impressionnante. Sur la vitre arrière, il a mis des stickers avec le nom de ses 3 enfants qu'il quitte régulièrement pendant plusieurs jours pour transporter les touristes dans ces lieux magiques. Nous, ce sera 3 jours durant. La piste ballotte mais on ne sent pas d'à-coups dans notre Toyota Land Cruiser, ouf, on avait peur que ce soit 72h de tape-cul.
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On dirait un jouet dans ce décor grandiose |
Première étape : on arrive à la Laguna Blanca où on s'arrête pendant 15min le temps de faire quelques photos. Devinez quoi ? C'est une lagune et elle est blanche, un lac salé et gelé, pour être précis. Des touristes un peu cons marchent sur la glace alors que c'est interdit, Ascencio sort de son 4x4 et va engueuler les plus proches. Il nous dit que tous les chauffeurs ne donnent pas les consignes pour préserver ces lieux et que c'est un problème vu le monde qui vient visiter. Effectivement, à chaque arrêt, de nombreux 4x4 sont garés et redémarrent parfois en caravane en se suivant sur les pistes sablonneuses, soulevant des nuages de poussières dans leurs sillages.
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C'est blanc, c'est une lagune, c'est la lagune blanche. |
Les paysages sont sublimes et on se sent tout petits dans ce grand vide. On reprend la voiture pour aller juste à côté, à la Laguna Verde pour quelques photos. Oui, c'est une lagune avec un peu de vert... Même s'il n'y a qu'un petit kilomètre entre les deux lacs, nous n'y allons pas à pied. A cette altitude, il est vite fatiguant de marcher.
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C'est vert... tout ça tout ça. |
On voit ensuite le lieu nommé Salvador Dali's Desert, à près de 5000m d'altitude, avec de vénérables montagnes colorées enneigées.
La piste nous mène jusqu'à un bain thermal avec une vue superbe. On a le droit à 30 min de temps libre, le temps qu'Ascencio nous prépare le déjeuner. Il y a là deux piscines d'eau chaude dans lesquelles on peut se baigner, après avoir pris un ticket. Ophé a oublié ses affaires dans le 4x4 donc elle y trempera juste les jambes. Seb se baigne jusqu'au bonnet : il fait quelques degrés dehors, presque 40 dans l'eau, et l'environnement a un peu plus de gueule que le Thermapolis d'Amnéville. Pour aller dans la salle pour manger, on monte une mini côte en discutant avec nos nouveaux amis... résultat : on est super essoufflés en arrivant en haut ! V'là les sportifs.
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On n'a pas tous les jours cette vue depuis sa baignoire ! |
Un peu plus loin, nous visitons le champ géothermal de Sol de Mañana avec quelques petits geysers et des fumerolles.
Le dernier arrêt de la journée se fait à la Laguna Colorada. Autant dissiper le suspense tout de suite, c'est une lagune qui est colorée. En rouge. Bon, nous on n'a pas trop de bol parce que le ciel s'est couvert de nuages et la couleur rouge, causée par des algues, qui est normalement bien marquée aurait pu être plus flashy. De paisibles flamants roses se reposent tranquilles dans ces eaux, apparemment insensibles au vent très fort qui nous mord le visage. Nous nous promenons un peu au bord de cette grande lagune, pour avoir différents points de vue.
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Mais avant, un petit tour sur Mars |
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C'est rouge, c'est une lagune, c'est la lagune... colorée ! |
La suite est tout aussi belle, mais notre chauffeur ne s'arrêtera plus. Il faut arriver avant la nuit à l'auberge car il fait vite très froid (fréquemment -25°C) et les repères ne sont pas très nombreux. Juste avant d'arriver, nous sommes bloqués sur une route en corniche par un 4x4 en panne. Les chauffeurs donnent un coup de main à leur infortuné collègue. Ophé qui a sûrement maché trop de coca crève de chaud dans la bagnole, a les mains moites et des coups de chaleur (mdr). On arrive finalement de nuit, vers 18h30, dans l'auberge située à Villa Mar. Nous avons du mal à croire que des gens vivent dans ce trou perdu. Qu'importe, un mate de coca, un bon dîner (du pollo et des papas fritas, la base en Bolivie), des bouillottes et des couettes chaudes nous attendent. La classe. On mange et un groupe d'enfants du village passe faire de la musique en chantant faux pour glaner quelques Bolivianos. On se couche super tôt car on est crevés et Ophé a un peu mal à la tête : double dose de coca pour elle. Il faut dire que c'est notre toute première nuit à 4000m, ce n'est pas anodin. Nous sommes essoufflés rien qu'en se retournant dans le plumard ! V'là les sportifs !

Jour 2
Nous nous levons à 8h00 pour un départ à 9h. On a eu trop chaud cette nuit, alors que tout le monde nous prédisait des nuits glaciales !
Juste à côté se trouve la Laguna Vinto avec des lamas aux oreilles ornées de pompons fluos et des flamants roses. Trop cliché. Trop beau.
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C'est cliché ! |
Mais attend, ce n'est pas fini ! 15 km plus loin nous faisons un stop à la Laguna Negra (on ne vous fera pas l'affront de vous dire d'où vient le nom). Une falaise rouge domine la tourbière et le point d'eau foncé est entouré de roseaux. Au retour, Seb, avec son adresse légendaire, ne trouve rien de mieux que de glisser en sautant d'une touffe de tourbe à une autre et se retrouve avec le futal trempé et plein de boue.
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C'est noir, c'est une lagune, c'est la lagune noire. |
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Seul, sur la falaise. |
Tout ça sèche en s'approchant du gouffre impressionnant du Canyon de l'Anaconda, au fond duquel serpente un petit cours d'eau. On a fini vers midi et on s'arrête dans le village perdu et vide d'Alota pour manger un morceau en plein milieu du désert. La bouffe est consistante et correcte, alors que tout le monde nous prédisait la famine et la gastro !
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Un sommet enneigé qui nous rappelle qu'on est haut |
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Hey mais on dirait un anaconda ! Comment on va appeler ce canyon ? |
Au moment de repartir, notre chauffeur s'engueule un peu en langue Quechua avec le local qui tient un poste de péage improvisé qui sert à faire payer les véhicules de touristes. On comprend que les tarifs pour lever la barrière ont dû augmenter inopinément il y a peu et que ça grince des dents. On reprend la piste et on ne fera pas d'autres arrêts à part un petit stop pour goûter une bière aromatisée à la coca au bord d'une voie ferrée, à Julaca.
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Ici, rien. |
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Le cru local |
Nous arrivons donc finalement à notre lieu de dodo du soir dans le hameau sans vie de Santiago de Chuvica vers 17h. Cette nuit, nous dormons dans un hôtel de sel au bord du salar d'Uyuni. On se pose 20 minutes avec un thé dans le salon en sel, puisque la particularité de cet hôtel (un grand classique de la visite du salar) est d'être fabriqué avec des briques de sel découpées dans le Salar. Il ne faudrait pas qu'il pleuve trop sinon tout va se dissoudre ! Au sol, du gros sel blanc, que notre hôte doit consciencieusement ratisser avant chaque arrivée de nouveaux groupes de touristes. La chambre est simple, également constituée de blocs de sels. Avant le repas du soir, on part faire une balade exploratoire dans le village. On y voit notamment des épaves de voitures abandonnées et des lamas. On rentre à l'hôtel et on bouffe un classique de la haute gastronomie bolivienne : une sorte de salade de frites. Le tout accompagné du verre de vin que nous avait promis Brigitte : ce n'est pas un grand cru, mais promesse tenue ! On pensait se les peler la nuit, car cette fois nous n'avons pas de bouillottes, mais finalement la nuit est plutôt chaude bien que les températures deviennent légèrement négatives à l'extérieur.
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Ici, tout est en sel... du sel au plafond ! |
Jour 3 : le salar
Si nous n'avons pas eu les -25°C assez courants à cette saison à 4000m dans ce désert de sel, c'est parce que le ciel s'est couvert. Nous nous levons à 5h30 pour un départ à 6h du mat', bon pied bon oeil comme vous l'imaginez. Cap sur le fameux Salar d'Uyuni. Le réveil est difficile mais dès les premiers kilomètres sur le sel plat, juste éclairés par la lumière des phares, la magie nous embarque et nous fait ouvrir des yeux tout rond.
Nous arrivons bientôt à Incahuasi, une "montagne" pleine de cactus qui surgit dans le plat du Salar telle une île au milieu d'un océan calme. C'est le rendez-vous touristique incontournable pour voir le levé de soleil. Avec nos nuages, c'est un peu dommage, mais le spectacle reste chouette. Comme l'accès à l'île est normalement payant, on décide de marcher un peu dans le désert de sel sur un côté de l'île aux cactus. Une fois arrivés de l'autre côté, rien ne nous empêche d'escalader un peu pour avoir une meilleure vue. Il y a du monde assis, tous prêts à prendre de belles photos. Une chose est sûr, marcher sur ce sol blanc qui s'étend à perte de vue fait perdre tout repère de distance.
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Terre en vue moussaillon ! |
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L'île aux cactus |
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Le moment d'être chauvin |
Nous voyons un chauffeur qui regonfle ses pneus avec une pompe à vélo, sont pas partis eux ! Pendant ce temps, nous, on petit déjeune au bord d'Incahuasi puis on part pour l'inévitable séance de photos à la con en plein milieu du désert. C'est là que la perspective joue des tours et que les tailles paraissent complètement distendues. On doit probablement faire partie des rares à ne pas avoir le ciel bleu sur nos photos ce qui fausse un peu l'effet, qui n'est d'ailleurs pas si facile que ça à obtenir. Peu importe, on s'éclate bien, à plat ventre dans le sel, jusqu'à ce qu'il n'y ait presque plus de batterie sur l'appareil photo (eh oui, il n'y a pas d'électricité dans les auberges du salar pour recharger les appareils photos et croyez nous, on a pas mal mitraillé en 3 jours). Comme à Salinas Grandes une semaine et demi plus tôt, Ophé essaye de faire croire à tout le monde qu'elle est plus grande que Séb voire qu'elle a le droit l'écrabouiller sous ses godasses... sympa la copine !
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Magie ! |
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Et du coup, la chaussure s'est vengée ! |
On garde quand même quelques électrons dans notre batterie, car nous faisons ensuite une halte au premier hôtel de sel du monde (Hotel de Sal Playa Blanca). Ici se trouve notamment l'île aux drapeaux (Isla de Banderas) et le monument du rallye Paris-Dakar, qui passe maintenant régulièrement dans la région, lui aussi construit en sel.
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Pour ceux qui se demandent, oui, il y a même un drapeau breton ! |
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Dakar Bolivia |
Un peu plus loin, on mange dans un village hyper touristique aux portes d'Uyuni. La bouffe est bonne mais l'arrêt ne nous plaît pas trop car nous nous retrouvons dans des marchés de babioles vendues comme de l'artisanat. On sent que les chauffeurs touchent une petite commission s'ils restent dans ce coin où il n'y a rien à faire à part visiter des stands tous identiques et qui attendent le gringo. On y reste donc plus que de raison. Là, une vieille dame répète sans arrêt "Museo del Sal, entrada gratis, puede tomar foto" pour attirer les touristes dans son musée de sculptures de sel. On repart enfin pour le cimetière de trains à Uyuni. Et ça c'est top. Ici, à 3 km de la ville d'Uyuni, de nombreux trains à vapeur sont abandonnés aux éléments. Ces trains ont jadis servi à transporter le minerai extrait en Bolivie jusqu'aux ports de l'océan pacifique. En 1940 quand l'activité minière s'est effondrée, la ligne de chemin de fer construite à la fin du XIXème siècle a cessé son activité. Depuis, le sel ronge les machines qui sont également escaladées et taguées. Nous sommes contents d'avoir eu encore assez de batterie pour immortaliser cet endroit classique mais impressionnant !
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Dernier voyage |
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Chef de gare |
Après un "pipi de l'inca", c'est-à-dire en pleine nature , cachée derrière un manteau pour Ophé (sans arbres ni bosquet c'est pas évident de trouver meilleure solution), nous quittons Ascencio et son Land Rover dans les rues d'Uyuni. On n'a pas trouvé d'autre mot que "pourrie" "glauque" ou "dégueulasse" (les déchets plastiques volent en tourbillon dans des rues désertes) pour décrire cette ville qui sert de porte d'entrée au salar. Pas question de s'éterniser ici, on reprend donc un bus illico pour 4h de route supplémentaires jusqu'à la ville minière de Potosi. Le bus est plein et contrairement à l'Asie la compagnie refuse de démarrer avec des gens assis dans le couloir. A ce moment là, on ne comprend pas tout mais on voit que les locaux veulent à tout prix nous laisser leur place dans le bus, alors que nous étions prêts à descendre pour prendre le suivant. Au final c'est la dame à côté de nous qui bouge : on est gênés par cette gentillesse.
Jusqu'à Potosi, la route passe par au moins 3 cols à plus de 4000m d'altitude en tournant dans des paysages désertiques incroyables. Par contre, quand on arrive dans la ville, on ne voit que des façades en briques qui ont n'ont pas l'air finies. La bus station est en dehors du centre, et on y arrive sous la pluie à la nuit tombante avec une sacrée envie de pisser : la première impression est plutôt glauque. Heureusement un comité d'accueil nous attend à la descente du bus : un bouc est accroché à un poteau face à la porte et des enfants transportent leurs biquettes à bout de bras en attendant le prochain bus. Nous trouvons le minibus pour aller au centre ville, qui a finalement l'air plus sympa que ce que les alentours laissaient présager : on est rassurés. On prend nos quartiers dans l'hostel. Quand on entre, un groupe de drag queen apprêtées en sort, on se demande si on n'est pas tombés sur un hôtel de passe, pourtant recommandé par le Routard. Bon allez, on prend ça quand même, de toute façon il pleut et se balader de nuit à 4000m d'altitude avec un gros sac dans une ville bolivienne en pente qu'on ne connait pas, on ne le sent pas suffisamment non plus pour pinailler. Nous n'aurons pas de problème de voisinage à signaler dans les jours suivants. On va bouffer au restau avec nos amis et on s'écroule dans le lit, aussi vidés que notre batterie d'appareil photo.
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