Il est déjà temps de quitter la Thaïlande où nous n'avions pas prévu de passer plus de 15 jours. Nous filons vers le Cambodge. Il y a suffisamment de vols peu chers depuis l'Europe pour revenir en Thaïlande plus tard et voir le nord du pays, plus authentique nous l'espérons.
Un long trajet sur 3 jours, pour changer de pays :
Passage express à Bangkok
Depuis le parc national de Kaoh Sok, nous avons deux possibilités pour rejoindre notre prochaine destination, le Cambodge. Soit nous allons jusqu'à Phuket pour prendre un vol pour Siem Reap (moins de 70 euros par personne), soit nous tentons l'aventure de traverser la frontière terrestre au terme de 3 jours de voyages. Les infos ne sont pas évidentes à trouver mais nous faisons le pari qu'avec des bus locaux et des trains la deuxième option sera la plus économique. En plus, elle nous permet d'arriver au sud du pays et d'y faire un itinéraire un peu plus logique (l'avion ne nous aurait donc pas fait gagner tant de temps de trajet terrestre au final).
Passer une frontière terrestre en Asie c'est toujours un peu une épreuve. Ça se prépare comme un examen ! Nous sortons nos cartes d'état major et nous décidons, pour être le plus en forme face aux douaniers (vous comprendrez pourquoi) de faire le trajet en trois étapes : Kaoh Sok - Bangkok, Bangkok - Trat, puis passage de la frontière à Hat Lek/Cham Yeam pour finalement se poser à Koh Kong côté cambodgien.
Première épreuve, quitter Kaoh Sok où tout est fait pour enfler le touriste en évitant de payer le double du prix pour un minivan pourri ou un bus "vip" où les touristes se font dépouiller leur sac en soute pendant la nuit. Pas évident de leur faire comprendre qu'on veut catégoriquement un bus local, au prix local et qu'on s'en fiche s'il faut faire un changement pour arriver à Bangkok sans offre packagée. Ils font un peu la gueule, mais on finit par avoir une idée de la fréquence des bus et on décide de se faire déposer à la gare la plus proche (2h de route), à Suratthani, là où nous avions débarqué avec le ferry, pour 150 bahts chacun (les agences demandaient le double). De là, on prend un train de nuit direction Bangkok. Il ne reste que 12 places disponibles dans le wagon fauteuils 2ème classe sans clim, on a eu chaud aux miches mais on s'en sort encore pour environ 400 bahts par personne. Ophé apprécie particulièrement la compagnie de petits cafards se promenant sur le sol pendant le trajet. La nuit est courte et nous arrivons à 7h, comme prévu, à Bangkok. À 550 bahts chacun le trajet (quand même 14 euros), la démerde nous a permis de ne payer que moitié prix par rapport au bus vip direct qui n'arrive même pas dans le centre de Bangkok. On est plutôt fiers de nous !
Nous avons réservé un hôtel pour une nuit, mais quand on y arrive vers 8h c'est un bâtiment fantôme. Personne à la réception avant 14h... qu'à cela ne tienne : on se repose un peu dans le canapé de l'entrée, on trouve une douche pour se débarbouiller, on laisse les sacs dans un coin et on part explorer à nouveau Bangkok. Lors de notre premier passage nous avons fait un tour vers le vieux centre, cette fois comme nous avons peu de temps, on préfère se promener tranquillement et faire des choses moins courues.
Nous avons repéré sur plusieurs blogs d'expatriés un lieu assez étonnant et méconnu baptisé "temple de la fertilité". Pas évident à trouver, il est dans l'enceinte du palace Swissôtel Nai Lert Park à une heure de marche de notre auberge. Quand nous arrivons par le côté parking en longeant le Khlong (canal) par la Som Khit Alley, nous demandons au gardien du parking, qui nous y emmène avec un clin d’œil et un petit sourire en coin. C'est en fait plus un petit templion en bois entouré d'une magnifique collection de lingams... des zobs, des vits, des teubs, des zizis, quoi, de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Le premier aurait été apporté par une femme désirant avoir un enfant et son vœu aurait été exaucé. Depuis, d'autres ont visiblement tenté leur chance.
Zizi fleuri |
Puis, nous rejoignons le Lumbhini park pour se poser tranquillement dans l'herbe et buller. Une des curiosités de ce beau grand parc c'est les centaines de varans qui y ont élu domicile. Nous en avions déjà aperçu un de loin lors de notre premier passage dans la ville qui nageait dans un khlong sans que nous ne sachions très bien s'il s'agissait d'un gros serpent (avec une langue fourchue) ou d'un petit croco. Mais quand nous arrivons dans le parc, pas de chance, il y a un énorme festival "du tourisme" et l'arrivée du marathon qui prend toute la place et fait un bruit monstre. On trouve un petit coin d'herbe à l'écart à l'ombre d'un cocotier et on regarde passer les godzillas et les tortues ninja au son lointain de la musique traditionnelle thaïlandaise en se reposant. Le soir, on se fait péter la panse pour 3 euros à deux au food court situé au dernier étage du centre commercial Terminal 21 : on charge une carte prépayée et on commande de délicieux plats thais pour trois fois rien, comme du crunchy pork ou le fameux mango sticky rice, miam. On craque encore plus et on prend même de la glace. En même temps à 20 cts d'€ les deux boules de glace, ça ne se refuse pas.
On s'est rendus compte que ça montait aussi aux arbres quand un varan est descendu du cocotier à côté de nous... |
Sur la route, escale à Trat
Le lendemain matin, nous rejoignons le Eastern bus terminal en métro aérien (pas mal équipée, Bangkok) pour prendre le bus pour Trat vers 9h du matin. Comme il est impossible d'avoir les horaires précis pour les bus gouvernementaux de la compagnie transport co (aussi appelée 999, ça porte bonheur) nous arrivons avec une bonne heure d'avance. Or à 8h et 18h à Bangkok, dans tous les lieux publics comme les métros ou les stations de bus, l'hymne national retentit et la vie suspend son fil pour quelques secondes. Les hauts parleurs crachouillent, tout le monde se lève et se fige. Le balayeur arrête son travail... puis reprends dès que le silence revient comme si de rien n'était. Étonnant à voir !
Le métro est interdit aux ballons de baudruche et aux durions (un fruit qui pue l'égout) |
Hymne national (la vidéo n'a bizarrement pas fait sa rotation, tournez votre écran)
On arrive à Trat sur le coup de 14h30. On se dit qu'il est trop tard pour faire les 1h30 de route qui restent jusqu'à la frontière et passer sereinement avant la nuit (avant 18h) et on se conforme donc à nos plans qui étaient de dormir là. Nous partons à la recherche d'une auberge et en passant dans une petite ruelle une belle petite mamie nous fait un grand sourire et nous dit qu'elle a des chambres dans sa guesthouse. Le hall sent un peu le poisson mais la chambre est correcte et ne sent rien. Mais surtout, cette vieille dame a l'air tellement gentille que l'on s'installe là sans hésiter. Il nous reste un peu de temps pour nous promener dans Trat, petite ville paisible et plaisante de l'est thaïlandais. Ici, un marché vivant avec des dames qui font de l'aérobic, des cyclistes qui reviennent d'un tour dans la campagne et quelques temples chinois ou thaïs. On s'y sent pas mal et en plus il n'y a absolument pas de touristes sauf nous et un ou deux autres couples rencontrés par ci par là. Les gens ici ont le sourire qui nous a manqué ailleurs en Thaïlande.
Temple chinois |
Ambiance polar à la fermeture du marché de Trat |
Match de boxe thaï avec les douaniers cambodgiens
C'est le grand jour du changement de pays. On révise une dernière fois le plan de bataille, la liste des arnaques recensées sur internet, on teste notre sourire, on revoit nos quelques mots de Khmer et on prend la route en minivan vers 9h.
On arrive à Hat Lek environ 1h30 plus tard. On fait bien attention aux chauffeurs de tuktuks pour qu'ils ne touchent pas à nos sacs en débarquant du van et on envoie chier les quelques arnaqueurs qui essayent de nous accoster pour de faux visas ou pour nous "aider" à passer la douane. Il n'y en a finalement pas tant que ça, nous nous attendions à plus.
Hat Lek / Cham Yeam c'est le poste frontière sud entre la Thaïlande et le Cambodge. L'autre point de passage possible plus au nord, Poipet, est beaucoup plus utilisé (notamment pour continuer vers Siem Reap et les temples d'Angkor) et il y a logiquement encore plus de profiteurs. L'autre avantage c'est que la ville de Koh Kong se trouve à seulement 10km derrière la frontière. Ainsi, pas trop de stress pour trouver un transport pour continuer son voyage si on n'est pas pressé. Cela évite là encore de tomber sur des arnaques et permet d'éviter les trajets du genre Bangkok Siem Reap tout compris très cher où la compagnie est en général de mèche avec les douaniers corrompus.
Deux possibilités : soit on décide que payer une bonne dizaine de dollars en pots de vin en plus des 30$ du visa est un mal nécessaire et on passe rapidement, soit on ne veut pas soutenir cette corruption et on entre dans un bras de fer. Dans ce cas, avoir un transport à chopper après la frontière c'est être en position de faiblesse face au douanier qui va jouer la montre car il sait que si vous risquez de rater le bus vous allez finir par payer... Et nous, on est bien décidés à ne pas lâcher plus que 60$ pour nos deux visas.
On a le compte rond en dollars neufs et quand même un peu de rab au cas où (ceux qui n'arrivent qu'avec des bahts se retrouvent à payer le taux de change décidé par le douanier et donc à donner 1600 THB, l'équivalent de 50$, pour le visa), nos photos d'identité (sinon ils facturent allègrement 5$ pour photocopier celle du passeport), des photocopies du passeport (pas demandé mais on préfère avoir réponse à tout), un stylo et plein d'eau et de bouffe pour tenir le siège : bref, on a le temps.
Aucun problème pour sortir de Thailande. Un petit formulaire, un coup de tampon et nous voici face au poste d'immigration cambodgien (surnommé Scambodia car scam = arnaque en anglais) où nous chaussons nos protège-dents, prêts à demander nos "visas on arrival" de 30 jours. Pour y arriver on fait un petit détour pour passer loin de la fausse cabane du contrôle sanitaire (Health Check) dont nous savons qu'il s'agit d'une arnaque où on paye au moins 2$ pour se faire prétendument prendre sa température et récupérer un faux formulaire complètement inutile pour obtenir le visa. Nous faisons semblant d'être sourds et on les ignore.
Première étape, on doit récupérer le formulaire de demande de visa dans la guitoune la plus à droite. Un sourire, un bonjour Khmer formel "tchoumripsour" et nous voilà servis. Bizarre, on ne nous a pas demandé d'argent pour ça. D'autres y ont eu droit d'après les témoignages que nous avons lu. On refuse évidemment toute assistance pour remplir le formulaire, on connait notre nom et notre date de naissance, merci...
On entre ensuite dans une petite pièce face à 3 douaniers à l'air pas commode et qui portent un masque médical pour cacher leur visage. On dit bonjour et on tend nos passeports avec la photo, le formulaire et 30$ avec un grand sourire. La réponse ne se fait pas attendre, sèchement on nous dit que c'est 37 $. Nous campons sur nos positions : nous avons vérifiés sur le site de l'ambassade et sur le site du gouvernement du Cambodge : le visa à la frontière coûte 30$ (37$ étant l'ancien prix du eVisa, maintenant passé à 36) et nous n'avons donc que cet argent sur nous. On espère que notre nez ne s'allonge pas trop quand on dit ça et on essaye de garder le sourire face au douanier qui élève la voix. Ils nous sortent alors un faux "communiqué de presse officiel" disant que le visa coûte 30$ + 7$ de frais de dossier. Sur cette feuille, nous voyons distinctement que le "e" de eVisa a été recouvert de tipex, ils ne manquent vraiment pas d'air... Nous leurs rendons leur feuille en leur disant que ce n'est pas un eVisa que nous voulons mais un visa touristique de classe T qui ne coûte que 30$ et nous dégainons la copie écran du site de l'ambassade. À ce moment, il s'énerve et nous fout dehors avec nos passeports avec un beau "go back to Thailand".
Nous nous y attendions, ça fait partie de l'intimidation pour nous faire réfléchir. Mais nous sommes à peu près sûrs de pouvoir passer et bien décidés. Nous le remercions en khmer "orkoun" toujours avec le sourire et nous lui disons que c'est au Cambodge que nous voulons aller et que nous attendrons dehors. L'idée est qu'il ne faut pas perdre la face, tenter de garder le sourire et ne jamais s'énerver. Pas facile. Malgré la préparation, Seb a les mains qui tremblottent de nervosité face à ces douaniers agressifs. Espérons que ça ne se soit pas trop vu.
Nous nous installons sur un siège à l'ombre et nous sortons de l'eau et des biscuits pour leur faire comprendre que, nous aussi, nous avons le temps. Le temps d'observer tous ces touristes qui paient sans broncher pour le health check, la photo, le 7$ de bakchich et une petite rallonge pour le passeur complice de l'agence de voyage... certains arrivent même sans dollars... C'est assez affligeant de voir si peu de préparation. Ils déboursent facilement entre 40 ou 50$ au lieu des 30$ du visa... et disent encore merci ! De temps à autre un type en civil vient nous voir pour nous proposer de nous faire passer en le payant lui, plus les douaniers. On lui dit que nous attendons.
Au bout de 45 minutes, ce qui est plutôt rapide puisque nous tablions plutôt sur 2h, le message est passé et quelqu'un nous dit que les douaniers sont disposés à faire notre visa. Nous leur redonnons notre passeport et les 30$ et nous attendons cette fois dehors une dizaine de minutes. Ils nous le tendent sans un mot, mais avec un regard noir, le visa est à l'intérieur. Il n'y a plus ensuite qu'à le faire tamponner et à donner nos empreintes et nous voilà au Cambodge ! La tension retombe, victoire.
Détente à Koh Kong
Nous trouvons un tuktuk pour nous emmener jusqu'à Koh Kong à 10km et nous nous installons dans un hôtel tenu par un cambodgien qui parle un français impeccable. Sur la route, à bord de notre tuktuk de l'espace, on croise entre autre une moto avec une carcasse de cochon vidée et fixée à l'arrière. Ambiance. On sent qu'on va bien rigoler dans ce pays !
Pour une petite ville de frontière, c'est plutôt sympa. Pas mal d'expats viennent ici pour faire un aller retour express permettant de renouveler leur visa. On prend des vélos un peu pourris et on va se promener dans la campagne autour. On retrouve avec joie les sourires qui nous avaient tant plus en Birmanie et au Népal, les "hello" enjoués des gamins... On se sent déjà bien ici. Seule ombre au tableau, des montagnes de déchets partout... ils installent des panneaux pour expliquer qu'il faut utiliser des poubelles, mais derrière entre les maisons gise une véritable décharge de plastique. Même en Inde nous n'avions pas eu une telle impression, c'est dire.
Bon, je vais piquer une tête, moi |
Y a du boulot ! |
Nous sommes pour la première fois confronté à la double monnaie. C'est assez déroutant au début : la monnaie officielle est le Riel qui ne vaut pas grand chose (1€ = 5000 riels). Du coup, tout le monde ici utilise plutôt le dollar américain. Tous les prix sont en dollars, les distributeurs crachent plutôt des dollars... mais on rend la monnaie et on peut payer dans un mélange de dollars et de riels (4000 riels pour 1$). Les riels servent notamment pour les centimes car il n'y a pas de pièces ici. Donc 2,5$ ça fait 10000 riels, ou 2$ et 2000 riels... Bref ça fait un peu des nœuds au cerveau, du bordel dans le porte monnaie et il faut réviser sa table de 4 !
Le lendemain, nous louons pour 5$/20000 riels un scooter pour explorer la région. Notre première étape est une magnifique mangrove protégée. Un long ponton en béton serpente entre les arbres et l'ambiance de ce paysage est très particulière. Ophé ne peut se retenir de prendre des centaines de photos. Au bout, une tour d'observation permet de prendre de la hauteur. Il y a aussi possibilité de faire un tour en bateau mais les prix sont assez gonflés pour le tour proposé.
Ensuite, nous reprenons la route pour une 20aine de kilomètres jusqu'à la petite cascade de Tatai. On tourne à gauche à la borne 134 comme on nous l'a indiqué. Le dernier kilomètre est une piste complètement défoncée et sablonneuse. On fait les premiers mètres et on se rend vite compte que notre monture aux freins douteux et les compétences du pilote ne nous permettront pas d'aller beaucoup plus loin. On se gare et on finit à pied sous un soleil de plomb. Quand on arrive à la flotte, l'endroit est une fois de plus superbe. Quelques touristes et pas mal de locaux se baignent dans cette eau rafraîchissante. On se jette à l'eau aussi (toute habillée pour Ophé), quel bonheur ! Il paraît qu'en remontant de quelques centaines de mètres on peut avoir un bout de rivière pour nous tout seul mais on n'a pas trop vu comment traverser avec nos affaires au sec. Il y a visiblement une autre piste pour arriver là car quelques motos sont garées au bord de l'eau. Certains viennent aussi en long tail boat depuis le village de Tatai jusqu'au pied de la cascade.
La sirène de Copenhague, au Cambodge |
On nous avait dit qu'on pouvait aussi aller vers la mer en direction de la frontière avec la Thaïlande mais puisqu'on est bien au bord de la rivière et qu'on n'a pas envie de se presser et de refaire 40km, on reste pépères posés là jusqu'à ce que le soleil disparaisse derrière les arbres...
Pour la suite, nous voulions faire du volontariat mais comme on s'y est pris un peu au dernier moment la plupart des endroits que nous avions repérés sont pleins. Nous finissons par contacter la Green School, au sud ouest du pays. Mais ce sera une autre histoire !
Excellent vos précisions sur le passage à la frontière, c'est exactement le type d'infos que je cherchais pour faire Trat > Koh Kong. Du coup je crois que je vais tenter de négocier le tarif à 34 dollars pour pas avoir à attendre dehors mdr
RépondreSupprimerMerci pour l'info! Belle mission qui nous attends!
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