De Kochi à Varkala, la mer, les backwaters et Amma

Dans cet épisode, nous naviguons entre canaux et délires mystiques.



Notre itinéraire :

Kochi

Depuis Munnar, nous reprenons la route de montagne (de jour cette fois) en descente, direction Kochi au bord de la mer, 1500m plus bas. Notre bus est "superfast" sans fenêtres : dans le Kerala, la plupart des bus locaux sont ainsi, il n'y a qu'une sorte de rideau en plastique noir que l'on peut baisser si on en a marre d'être décoiffé ou qu'il commence à pleuvoir. Ophé prend une drôle de couleur verte dans les tournants, mais ça finit par passer après une pause arrivée à point nommé.

Le climat à Fort Cochin est très différent de la douceur des montagnes. Ici, cocotiers partout (Kerala signifie littéralement terre des cocotiers) et grosse chaleur tropicale, 31°C humides la journée, pas moins de 26 la nuit. On cuit le jour et on fait de la sauce la nuit.

Pas énormément de choses à voir ici. Il y a les carrelets chinois, ces gros filets accrochés à un cadre en bois toujours utilisés pour pêcher. Une promenade "mahatma Gandhi" le long de plages pleines de déchets plastiques. Et aussi un palais hollandais qui ne vaut que pour ses peintures intérieures et une synagogue également peu intéressante de l'extérieure. Malheureusement ces deux bâtiments sont fermés les jours où nous y sommes. Il nous reste donc les boutiques du quartier juif. Sinon, on a quand-même bien apprécié l'ambiance de la ville, colonisée par les portugais, les hollandais puis les anglais. On y a trouvé un salon de thé tenu par des français qui font des baguettes et des pains au chocolat : après presque 2 mois loin de notre mère patrie, trouver une baguette nous a procuré une joie intense. On a pris nos 3 petits déj là bas ! Pas comme à la maison, mais presque. 




Pêcheurs de plastique


Indian Ferrari

Joie !

Le soir, on va voir un spectacle d'arts martiaux keralais, le Kalaripayat, assez impressionnant mais le spectacle n'était pas terrible pour autant.


On a également passé une journée de farniente au bord de la plage de Cherrai, à 25km au nord de Kochi. Il nous a fallu prendre un ferry pour traverser la rivière puis 1 heure de bus pour y arriver, mais ça valait le coup. Ici, point de déchets plastiques partout : une belle plage et de l'eau à 30°C dans laquelle on ne peut pas trop se baigner à cause de courants dangereux. On passe l'aprèm à la terrasse d'une paillotte tenue par un français sympa, à regarder un dauphin se promener le long de la côte en attendant le coucher de soleil qui ne viendra pas car les nuages l'ont précédé.



Alleppey : ici, rien.

Nous prenons la route pour Alleppey, un peu plus au sud. On galère dans une ville vide (c'est dimanche) en plein cagnard avec nos gros sacs à trouver notre hôtel qui n'est pas à l'endroit indiqué par google maps et pour lequel l'adresse ressemble comme souvent ici à "en face de la scierie machin (parce qu'il n'y a pas de numéros), près de la rue truc bidule (parce que la vraie rue n'a pas de nom)". En plus il n'y a vraiment pas de pancarte pour nous aider et on finit par arriver en suivant le bouche à oreille pendant 1h devant l'hôtel... qui ne porte pas le même nom que sur notre réservation booking (celui qui trouve un lien entre yoga aham et venice nest gagne une coconut). Mais c'est là et on est contents d'y arriver.

Dans cette ville il n'y a strictement rien à faire à part une plage. Quand nous y arrivons, il commence à flottouiller. C'est qu'en novembre, il y a un reste de mousson sur le Kerala qui nous avait à peu près épargnée jusque là. Le temps de prendre quelques belles photos avec les nuages et on rentre. Le seul intérêt réel d'Alleppey c'est d'être le point de départ de nombreuses visites des backwaters en bateau et house boat.




Nous, on a choisi de ne pas faire de visite guidée depuis là, où il y a du monde, mais de prendre un ferry public pour descendre le canal principal tranquillement. Le trajet Alleppey - Kollam prend environ 8h (pour 80km). Nous nous arrêtons environ aux deux tiers du trajet à Amritapuri pour une expérience humaine... intéressante (teasing).

Pas grand chose à dire sur le trajet si ce n'est que c'est magnifique. Le mieux est donc de laisser parler les photos.

House boats

Des milliers de canards se reposent de leur migration




Un aigle marin


Ah si, à la pause de midi Ophé a eu droit à un cours pour apprendre à manger son curry avec les doigts, par un des matelots. Pas si évident que ça au début, et pour les gauchers encore moins car ici on mange avec la main droite. Il paraît que ça a meilleur goût comme ça, mais on reste un peu sceptique.

Amritapuri : l'ashram d'Amma, "la mère qui étreint"

Vers 15h30, la vigie nous informe que la barre d'immeuble rose de 15 étages qui semble sortie d'une cité des années 70 et qui nous accueillera pour les 3 prochains jours est en vue. Nous accostons à notre destination, l'ashram de la seule femme gourou de l'Inde, Amma.



Nous avons trouvé cette adresse dans notre guide de voyage, mais on se souvient vaguement d'avoir vu Amma quelque part, dans un reportage ou un documentaire. On l'appelle "la mère qui étreint" parce qu'elle est célèbre pour prendre des gens dans ses bras du matin au soir, plus de 33 millions au compteur depuis le début de sa carrière de gouroute. C'est à peu près tout ce qu'on en sait et on ne sait pas bien où on pose le pied, si ce n'est que ça va être étonnant. On s'attend donc à atterrir au pays des bisounours où des licornes se baignent dans des fontaines de lait de coco colorée en rose.

On s'est enregistré en ligne sans problème la veille pour avoir une chambre. Dans le guide il est dit qu'il faut normalement s'y prendre assez tôt, mais la française qui tient le bureau d'accueil ce jour là et qui nous fait remplir la paperasse d'usage, comme quand on arrive dans un hôtel, nous dit que c'est parce qu'Amma n'est pas là que l'ashram est assez vide. Pas de bol, la mère supérieure est donc ce jour là en tournée câlins... en France... à Châlons en Champagne.

Deux ou trois questions à la fin du formulaire d'enregistrement retiennent notre attention : quel est votre nom spirituel ? avez-vous une maladie particulière et suivez vous un traitement médical ? avez-vous un antécédent de maladies mentales ou psychiatrique ? Bizarre. On nous donne les clés de notre chambre au 10ème étage, simple mais suffisante : deux lits simples durs, une petite salle de bain sans eau chaude (on n'en a jamais eu au Kerala), une table, une armoire, un évier. Il faut aller chercher nos draps à l'"accomodation supply office". Un peu partout sur les murs, dans l'ascenseur, dans les couloirs, des portraits d'Amma nous regardent.

On récupère aussi une liste des règles de l'ashram et le programme des festivités. Pas de photos (donc va falloir lire, on n'a pas grand chose à vous montrer), vêtements longs obligatoires, baignade interdite à la plage (courants), cigarette et alcool interdits... Et journée bien remplie pour ceux qui veulent jouer le jeu à fond :

04:50 a.m. – 06:00 a.m. Chanting of Lalita Sahasra Nama (Archana) (on répète en boucle les 1000 noms de la divine mère Amma en chantant)
06:30 a.m. – 07:30 a.m. Meditation / Yoga
08:30 a.m. – 09:30 a.m. Breakfast
10:00 a.m. – 01:00 p.m. Seva (participation désintéressée aux travaux et tâches de la communauté)
12:30 p.m. – 02:00 p.m. Lunch
02:00 p.m. – 05:00 p.m. Seva (participation désintéressée aux travaux et tâches de la communauté)
05:00 p.m. – 06:00 p.m. Meditation
06:30 p.m. – 08:00 p.m. Bhajans (des chants)
08:15 p.m. – 09:00 p.m. Dinner
09:00 p.m. – 10:00 p.m. Personal study, Meditation, Diary Keeping

À 17h nous rejoignons un petit groupe de nouveaux arrivants, des touristes de passage comme nous, devant le temple principal (le temple des femmes) pour une visite guidée de l'ashram animée en anglais par une bénévole française (dans le cadre de ses Seva) qui vit là depuis plusieurs années. Elle nous donne son "nom spirituel" qu'Amma lui a choisi, impossible à prononcer et donc à retenir. Elle est habillée de blanc comme beaucoup de monde ici et paraît assez enthousiaste et enjouée... ce qui tranche un peu avec les autres personnes que nous avions pu croiser jusque là et qui font plutôt la gueule. Elle nous apprend qu'ici on ne dit pas bonjour ou merci, mais Oṁ namaḥ śivāya, un mantra à la gloire de Shiva. Soit.

Nous montons dans une petite pièce et nous avons droit à une projection d'un film d'une demi heure montrant pèle mêle les engagements et dons caritatifs et humanitaires de l'ONG d'Amma, Embracing the World, Amma avec le pape en tant que représentante des hindous en train de signer un texte contre l'esclavage des enfants dans le monde, l'université créé par Amma et les champs de recherches, l'hôpital ayurvédique d'Amma, la vie d'Amma de son enfance malheureuse à la nouvelle condition de gourou superstar, le tout entrecoupé d'images d'Amma qui fait des câlins à des centaines de personnes qui sont en pleurs à son contact. Un clip... étrange (que l'on peut se procurer en dvd à l'Amma gift shop au premier étage du temple, pour les fans). Après ce film (de propagande ?), notre guide se lance dans une explication stratosphérique à base d'énergies du cosmos, de louanges, de citations d'Amma et de "miracles" (Amma est capable de faire des câlins 3 jours de suite sans dormir et sans manger et de quand même être debout à 5h le lendemain pour méditer avec ses ouailles à la plage, Chuck Norris peut aller se rhabiller). Elle veut nous faire sentir et comprendre l'esprit d'Amma, vu qu'elle n'est pas dans les murs en ce moment. On trouve ça un peu timbré mais après tout à part ça elle a la pèche et le sourire donc pourquoi pas. 

On fait ensuite le tour de l'ashram qui est une petite ville pouvant accueillir plus de 3000 personnes lorsque la mama est présente. Il y a des boutiques, si vous voulez par exemple acheter des cartes postales avec les pieds d'Amma dessus mais aussi des produits plus normaux (des gens vivent là sur la durée, quand même), un magasin de seconde main (où on va trouver le guide du routard de Birmanie 2017 tout neuf de manière providentielle pour 1 euro, sans doute d'un converti qui a annulé la suite de son voyage), des stands de jus de fruit ou de coco, des cafés, un point internet, des bureaux d'informations, le temple des femmes, un grand hall avec une scène pour accueillir les fidèles (quand Amma est là 2 à  3000 personnes s'y pressent) et qui sert aussi de cantine à l'heure des repas, deux restos (indien et western style) pour ceux qui veulent manger autre chose que les currys servis gratuitement 3 fois par jour à la grosse louche et qui ne sont pas si mauvais mais ressemblent à du vomi : le riz est servi avec son eau et tout nage dans l'assiette. On nous montre aussi la maison d'Amma, là où tout a commencé, convertie en salle de méditation tapissée de photos du gourou.

C'est classe comme carte postale, non ?
À côté, le pujiste officie. C'est celui qui fait des cérémonies de pujas, des offrandes aux dieux, payantes (cher), prescrites par les astrologues de l'ashram à ceux qui viennent les voir (cher aussi) pour rééquilibrer leurs énergies en fonction de leur horoscope. Mesdames n'y allez pas pendant vos règles il paraît que les vibrations sont telles pendant la cérémonie que vous risqueriez de vous vider de votre sang et d'avoir affreusement mal au ventre. Des gens tournent autour du grand hall en marmonnant, on nous dit que c'est parce qu'Amma donne des travaux pratiques pendant ses absences : faire chaque jour 9 fois le tour du hall en récitant des mantras. Avant, c'était en courant mais les vieux se sont plains que c'était trop physique. Jacques à dit...

Une visite assez rigolote mais un peu flippante. La guide étant française on n'a pas pu trop pouffer dans notre coin mais l'envie ne nous a pas manqué. À défaut d'avoir saisi l'esprit d'Amma, elle nous a permis de rencontrer une voyageuse israélienne très sympa et un couple d'australiens un peu perché arrivés en même temps que nous, avec qui on a passé de bons moments au cours des 3 jours passés à l'Ashram.

Le soir, comme à chaque fois qu'Amma fait sa dernière soirée dans un pays, les images du darshan sont retransmises en visioconference dans le grand hall. On voit Amma toute saccadée sur l'écran  prendre des gens dans ses bras et une centaine de dévots sont assis sur des chaises de jardin et regardent ce spectacle apparemment passionnant en chantant les chansons dont les paroles s'affichent sur le côté. Parfois ils lèvent les bras. Surréaliste.

Le lendemain, c'est mardi. Pas de bol, Amma a décidé que ce serait la journée de la semaine où presque tout est fermé et consacrée à la méditation silencieuse. Les gens habillés en blanc paraissent encore plus fermés que la veille. Aux repas, on a parfois un peu l'impression d'être dans un asile. Plein de bonne volonté, on s'était inscrits à un Seva de roulage de pâte à pizza parce que d'autres jeunes sympas y étaient aussi mais finalement on s'est pris un lapin. Pas de pizza ce jour là... alors on va à la "Dolphin Beach" tous ensemble en bus. On en voit une bonne dizaine qui nagent et sautent au large de la jetée. Des indiens nous disent que ce ne sont pas des dauphins mais des "sea pigs", mais bon ça y ressemble quand même foutrement donc on pense qu'on se fout de nous. Beau spectacle. Une énorme pluie commence à tomber, on doit rentrer dans notre bus sans fenêtres (suffit de tirer la bâche pour être à peu près au sec).

Croyez-nous, il y avait un dauphin... mais il était plus rapide que nous !


Le soir, au dîner, nous aidons une française qui vient de débarquer et qui est complètement perdue. Elle suit Amma depuis quelques années, l'a vue à Chalons en Champagne 2 jours plus tôt et a sauté dans un avion pour vivre 3 mois à l'ashram. Elle a déjà l'air complètement envoûtée quand elle parle d'Amma. On se dit qu'elle est déjà bien atteinte et qu'elle aura peut-être du mal à en ressortir et risque de finir comme ces moutons blancs qui font la gueule en chantant des chansons à la gloire d'Amma. C'est étrange, on ne sait pas trop si on doit essayer de lui ouvrir les yeux, l'avertir de faire attention à elle ou si on se fait des films et qu'il n'y a pas de danger.

À la base on ne comptait rester que 2 nuits, mais c'est un peu dommage de n'avoir vu que le mardi où tout est fermé. Et puis on se repose et on bouquine, ça fait du bien aussi. On prolonge donc d'une journée.

Avec Ella, l'israélienne, on s'est inscrit à un Seva que l'on pensait être dans la ferme de l'ashram, qui a un programme de récolte de semences en réponse à une vague de suicides de paysans qui ne pouvaient plus payer leurs graines à  Monsanto. Ca nous intéressait donc bien de discuter avec ceux qui gèrent ça. En fait, on s'est mal compris avec le bureau des inscriptions et on va désherber le chemin d'un jardin en plein cagnard (pas de tondeuses ici). Les filles ont droit à une remarque parce qu'elles osent être en short alors qu'il fait 35°C. 

Le soir nous discutons avec un autre israélien, Yonatan, qui est là depuis 5 ans. C'est très intéressant car contrairement à beaucoup d'autres il a un regard très lucide sur l'ashram, son fonctionnement et sa population. Pour lui, vivre ici lui permet de chercher sa propre voie spirituelle (bouddhiste ascendant tantriste) à peu de frais : en faisant 6 heures de Seva quotidien il a droit au gîte et au couvert gratuit et peut y consacrer le reste de son temps. Il s'habille normalement, a une copine (le stade ultime du dévot s'appelle le renonçant), ne suit pas vraiment les rituels et paroles d'Amma même s'il la considère comme un yogi hors norme et il a conservé son humour, son ouverture d'esprit et son sens critique. Cela fait du bien de trouver quelqu'un qui ne soit pas complètement lobotomisé et cela permet des discussions sur les différentes religions et philosophies et sur l'ashram. Il nous confirme que certains cas parmi les dévots relèvent de la psychiatrie.

Il y a en fait plusieurs catégories de personnes ici : des dévots un peu frapadingues, hindous ou occidentaux, des gens qui sont là pour autre chose qu'Amma et qui conservent leur jugement, des personnes âgées qui sont là un peu comme dans une maison de retraite à moindre frais et qui discutent entre eux loin des considérations de l'ashram et des touristes de passage pour quelques jours comme nous. Cela donne un mélange éclectique intéressant à observer.

Au moment de quitter cet endroit étrange, nos sentiments sont un peu brouillés. L'ashram a un fonctionnement bien huilé et si certains s'y sentent bien on sent que derrière la communauté, quelque chose cloche. Ce culte voué à Amma est dérangeant, même si en Inde le terme gourou (proche de professeur) n'est pas du tout négatif et qu'il est courant d'adorer des icônes, d'en mettre partout voire de les personnifier en dieux ou déesses vivants. C'est aussi le nombre d'occidentaux présents ici au côté des hindous, alors même qu'Amma ne parle pas anglais, et leur degré de dévotion ou d'envoûtement qui fait drôle : certains ont l'air bien loin. Dur sans doute de retourner à la réalité quand on a passé trop de temps dans cet endroit ouvert mais replié sur lui même à répéter en boucle des chants hypnotisants pour occuper son esprit. Chaque journée étant la même, il est facile d'y perdre aussi la notion du temps.

Bien qu'à aucun moment on nous ait demandé de donner de l'argent et que la vie quotidienne dans l'ashram ne soit pas coûteuse, quelqu'un qui tomberait dans les rites qui, eux, sont plus chers ou suivrait à ses frais Amma dans ses nombreux déplacements comme le font certains fidèles pourrait vite se retrouver dans une situation financière en mesure de l'enfermer là. Et de fait, même si Embracing the World semble reverser des millions à des causes honorables, son fonctionnement est très opaque et il est probable que cette façade ne cache une organisation qui brasse des sommes considérables. Par exemple, Amma a fait construire une université et un hôpital de classe internationale à Amritapuri, mais les cours et les soins coûtent une fortune et c'est donc une logique de rentabilité qui prime (avec plus ou moins une obligation de séjourner à l'ashram en prime, desfois que certains y prennent goût).

Même si l'agence de surveillance des dérives sectaires ne dit pas de mal de cet ashram, même si l'ONU et des gouvernements soutiennent ses actions, nous avons bien vu que certains perdaient pieds aux côtés de "la mère". Puisqu'on ne peut pas vraiment parler de secte, nous dirons qu'Amma est en fait une marque, un business plan. L'ashram est très ouvert contrairement à d'autres mais nous ne savons pas encore si nous avons eu la chance d'approcher un monde mystique déroutant ou si nous avons servi de caution au même titre que les actions de bienfaisance à une organisation qui a d'autres objectifs moins louables et qui a besoin de se montrer ouvert au monde pour pouvoir agir tranquillement. Même si personne ne vous retient à la sortie, si on n'a pas senti de volonté de nous "convertir" et si au moment de l'enregistrement on se voit demander l'autorisation de nous envoyer des news de la bonne parole du gourou ou pas, ceux qui perdent leur sens du jugement ou qui arrivent fragilisés dans cet endroit plein de contradictions peuvent s'y retrouver piégés. On a quand-même trouvé quelques articles peu reluisants sur internet, écrits par d'anciens dévots. C'est donc soft, mais potentiellement dangereux.

Comme on est des rebelles, on a pris quelques photos pirates depuis notre 10ème étage :



Munroe Island

Après ces trois jours hors du temps entourés de timbrés, on décide d'aller dans la nature. Nous jetons notre dévolu sur Munroe Island, au cœur des backwaters. C'est sous une pluie battante que nous faisons ce trajet un peu compliqué. Nous patogeons dans les flaques pour arriver jusqu'à notre homestay (pension chez l'habitant). Au milieu des cocotiers, un canal passe au pied de la terrasse. Tout est presque parfait, mais des temples tout autour diffusent des musiques à fond plusieurs fois par jour pendant des heures, de 5h du matin à 21h le soir. Dommage en pleine nature.


On a sorti nos beaux k-ways !
Vishnu et sa famille nous accueillent comme des rois, on s'y sent vraiment bien malgré la pluie qui ne cesse de tomber de plus en plus fort. En fait, on apprend qu'un cyclone tropical (c'est la fin de la saison, normalement) est en train de passer depuis deux jours à moins de 60km au sud d'ici et a fait pas mal de dégât à Trivandrum la capitale. Heureusement pas de vent là où nous nous trouvons mais le niveau de l'eau grimpe et comme les averses de mousson ne finissent pas, Seb commence à douter un peu. Pour patienter, on bouquine, Vishnu nous fait visiter le village à pieds avec un bon parapluie et nous apprend comment marcher dans les flaques avec nos schlappes pour ne pas s'en foutre partout (faut traîner des pieds, comme ça à la prochaine mousson vous saurez).

Vue depuis la terrasse


On visite une usine de noix de cajou qui exporte dans le monde entier. Il y a tout un processus pour ouvrir la noix car l'enveloppe contient un liquide qui peut brûler très gravement la peau si on le fait mal. Dans cette usine, 500 femmes bossent (parce qu'elles ne réclament pas de gros salaires, nous dit-on) et quelques hommes les "managent" en buvant du thé et en lisant le journal. Charmant, c'est aussi ça, l'Inde. On nous emmène aussi chez des villageois qui tressent des fibres de noix de coco pour fabriquer des cordes. Le dispositif est assez sommaire, deux roues que l'on tourne à la main pour entortiller les fibres, mais efficace. Ils utilisent ensuite ces cordes locales assez solides un peu partout et fabriquent aussi des paillassons avec en les tressant. Dans le cocotier, tout est utilisé : on mange et on boit la noix, ou on en fait de l'huile, on utilise la coque pour les cordes ou comme pot de fleurs, on brûle ou on travaille le bois, on tresse les palmes pour faire des toits ou des palissades.

Tressage de corde en coconut
Vishnu organise aussi des tours en bateau sur les canaux mais avec la pluie et le débit impossible pour l'instant d'y aller. Comme la plupart des gens qui devaient venir au sud ont décommandé à cause du cyclone, il nous propose de nous faire un prix si nous restons une troisième nuit. Cela nous permet en plus d'attendre une journée un peu plus clémente pour aller faire le tour en canoë avec lui et ça valait vraiment le coup. À certains endroits, les passages sous les petits ponts des canaux sont difficiles voire impossibles à cause du niveau d'eau mais notre guide connaît les chemins pour contourner. Le plus génial c'est qu'on est quasiment les seuls à glisser sans bruit sur l'eau, propulsés par une perche en bambou. Quand les temples se taisent enfin, le moment est franchement relaxant.


Euh, t'es sûr que ça passe là ?!

Parc à crevettes tigre


Le dernier soir, Vishnu nous emmène au temple le plus proche (celui qui nous empêche de faire la grasse mat' !), en fait juste un arbre avec des bougies, quelques guirlandes et une GROSSE PUTAIN DE SONO qui crache des tubes à la gloire de Krishna, Shiva et ses copains, au bord d'une route. Les villageois préparent un plat à base de riz, sucre de canne, cardamome et cacahuètes dans une grosse marmite sur un feu de bois. Ça fait un peu potion magique, mais c'est bon. Ils appellent ça "baïsang" ou quelque chose comme ça. Ça ressemble à rien mais c'est pas mauvais, à manger sur une feuille de bananier avec une cuillère en feuille d'arbre.

Varkala, vamos a la playa

On reprend la route pour descendre encore un peu plus au sud, vers la station balnéaire de Varkala. Ce n'est qu'à 30 km mais il faut prendre un tuktuk, un train en retard, un tuktuk, deux bus et un dernier tuktuk. Bref, on y passe 3 ou 4 heures.

Varkala c'est une magnifique plage en contrebas d'une belle falaise rouge. Sur le chemin le long de la falaise, de nombreuses boutiques, restaus, hôtels... C'est touristique, c'est sûr et même si d'habitude on n'est pas trop fans de traîner à la plage comme des loques l'endroit nous plaît bien pour nous poser quelques jours.

Parfait pour se reposer un peu, admirer le coucher de soleil et bouquiner à une terrasse avec une petite bière ou un jus de fruit frais.



Un yogi motivé

C'est de saison




Après 3 jours, il nous faut déjà reprendre un train de nuit pour remonter à Bengalore où nous prendrons notre vol pour la Birmanie. Ce trajet s'annonce épique, 18h de train et nos billets sont sur liste d'attente car tout est complet. Le suspense est à son comble pour savoir si assez de gens annuleront leur billet pour qu'on puisse voyager et si on aura une couchette entière ou juste une demi à partager avec un autre voyageur. Finalement à 4h du départ, c'est bon. Encore une victoire de canard.

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