Pour la suite du voyage, nous nous sommes réservés une expérience hors du commun. C'est hors des sentiers battus du Cambodge que nous continuons notre route pour nous rendre à Kheo Phos et participer à la belle aventure Green School, très riche en émotions. Ne cherchez pas sur la carte, vous risquez d'avoir du mal à trouver ce petit village situé à 70km au nord de Sihanoukville !
Notre arrivée à la Green School
Avant de nous engager à la Green School nous avons envoyé plusieurs mails à diverses personnes afin de faire du volontariat. En général, contre quelques heures de travail dans la journée le gîte et le couvert sont offerts aux bénévoles ou une petite participation est demandée. Nous nous sommes inscrits sur la plateforme Workaway et avons fait un tri dans les annonces. Nous trouvons un peu limites celles qui consistent à travailler dans un hôtel ou un bar, nous aurions l'impression de prendre le boulot d'un local d'autant plus que nous ne trouvons pas ces offres très intéressantes car elles ne permettent pas de rencontrer des locaux. On garde donc quelques annonces dans des projets écologiques ou de fermes bio tenus par des khmers où nous pourrions apprendre plus que derrière la réception d'une auberge. Après plusieurs refus car nous nous y prenons légèrement à l'arrache (comment ça contacter les gens une semaine avant pour faire du volontariat ne suffit pas ?!), nous contactons finalement la Green School dont nous avions eu connaissance sur Facebook.
À la base, donner des cours d'anglais ne nous bottait pas spécialement, mais la Green School c'est bien plus que cela : c'est aussi essayer de convaincre les villageois d'installer et d'utiliser des poubelles. Après ce que nous avions vu dans les jardins des maisons et dans les canaux à Kho Kong (cf. lien article précédent) nous voulions vraiment comprendre comment les khmers pouvaient en arriver à accumuler autant de déchets plastiques autour de chez eux et les aider à mieux les gérer. En voyant ces déchets nous nous sommes dits qu'il y avait vraiment quelque chose à faire de ce côté là et que notre action de volontariat aurait un sens pour la population locale.
À la base, donner des cours d'anglais ne nous bottait pas spécialement, mais la Green School c'est bien plus que cela : c'est aussi essayer de convaincre les villageois d'installer et d'utiliser des poubelles. Après ce que nous avions vu dans les jardins des maisons et dans les canaux à Kho Kong (cf. lien article précédent) nous voulions vraiment comprendre comment les khmers pouvaient en arriver à accumuler autant de déchets plastiques autour de chez eux et les aider à mieux les gérer. En voyant ces déchets nous nous sommes dits qu'il y avait vraiment quelque chose à faire de ce côté là et que notre action de volontariat aurait un sens pour la population locale.
Nous sautons dans un bus direction Sihanoukville et nous demandons au chauffeur de nous débarquer à Thanay sur le bord de la nationale. De là, les instructions envoyées par Stéphane, le fondateur de la Green School, nous indiquent qu'il faut que nous trouvions deux Moto-dop (des taxi moto) pour nous amener à Kheo Phos, à 10km de là, au bord de la mer. Comme le village n'est même pas sur les cartes, vous vous doutez bien qu'il n'y a pas non plus de wifi. On achète donc une carte SIM histoire de rester connectés au monde par la magie de la 4G et une poignée de billes pour les enfants et on monte avec nos gros sacs derrière deux motos. Les chauffeurs ont l'habitude et roulent vite sur ces routes en mauvais état et souvent gravillonneuses, voire carrément des pistes en terre rouge à la fin. Nous, on sert les fesses à l'arrière en essayant de tenir droit pour ne pas tomber malgré nos 13kg sur le dos. Personne ne porte de casque, évidemment !
Stéphane n'est pas là pour nous accueillir, il est à Kho Kong pour régler des questions de visa pour sa moto. C'est donc Théo, un bénévole présent depuis déjà plusieurs mois qui nous réceptionne. Quand on arrive, il est en caleçon au bord du puits et il s'apprête à se doucher en remontant de l'eau un peu terreuse. Autant vous dire tout de suite qu'ici on vit à la Khmer, avec des Khmers : on va oublier le confort moderne et le superflu, ça nous fera du bien.
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La maison de la Green School (photo de Stéphane) |
Les toilettes/douches de la Green School. Simple mais efficace ! |
Nous arrivons un dimanche, il n'y a donc pas classe. Théo nous emmène faire un tour dans le village à la rencontre de ses habitants et nous explique un peu la vie à la Green School. Nous constatons encore une fois que les déchets plastiques sont bien présents partout... et encore, on nous dit qu'avant que la Green School ne vienne s'installer là 2 mois plus tôt, c'était bien pire. Les villageois nous accueillent de manière très enjouée, par des sourires, des coucous et des "hello" lancés des hamacs et des maisons quand nous passons. Certains villageois nettoient leur terrain très finement en enlevant le moindre petit brin d'herbe faisant son apparition dans la poussière mais en laissant paradoxalement les plastiques traîner. Regards interloqués. Théo récolte des high-five de la part des nombreux enfants qui jouent dans les rues, loin de la surveillance des adultes. Et des enfants, il y en a beaucoup dans ces villages ! Nous faisons aussi connaissance avec les animaux de la maison : Eco, un jeune chien sympa avec une oreille tombante qui a une fâcheuse tendance à se rouler dans des endroits pas tops et à sentir soit le poisson pourri, soit le caca, et Logy, un chaton aux gros yeux sympa qui, après des quarts d'heure de folie où il saute sur tout ce qui bouge, a une fâcheuse tendance à pisser et chier sur les matelas et à s'endormir comme un gros pâté sur nos genoux. Eco, Logy, et engrais naturels, y a pas de doute on est dans le thème.
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Logy dans un de ses quart d'heure de folie... faut dire qu'une moustiquaire ça donne des idées |
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Eco un jour où il ne puait pas trop |
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Rango, un gecko tokaï d'une 30aine de centimètres |
Bizarrement, pas grand chose à déclarer gastriquement parlant pendant cette semaine ! Seb qui est en général assez sensible et qui sert donc de détecteur de bactéries n'a pas moufeté (moucheté ? )... à croire qu'on devient un peu plus résistants à force. On sait depuis que pas tant que ça, puisqu'il n'aura fallu que d'un repas à Phnom-Penh pour rechuter... flûte. Apparemment comme il n'y a pas de frigos dans les villages, les poulets sont tués au pied de la casserole et comme nous sommes dans un village de pécheurs le poisson et les crabes sont frais. Un très bon point !
Stéphane arrive le lendemain soir en moto sous une pluie battante. Après 3 années de sécheresse intense, cette saison sèche est franchement humide autour du Golfe de Thaïlande. Le soleil n'est pas franc et de gros nuages noirs passent, parfois il y a de grosses averses et des orages pour la plus grande joie d'Ophé, chose habituellement impensable à cette période. C'est le bordel, mes amis, y a plus de saison !
Les pistes se transforment en piscines et les champs sont inondés, mince, on pensait ne pas avoir à subir la mousson. Les gamins sautent comme des dingues dans les flaques en se marrant, souvent à poil. Y en a donc que ça a l'air d'amuser.
Le projet Green School
Puisque le patron est rentré (ça va lui hérisser la moustache de lire ça) il est temps de présenter un peu le projet Green School. Après avoir bourlingué toute sa vie dans les squats de France, de Suisse et avoir parcouru le monde en vélo, en moto et autres, Stéphane a fini par poser ses affaires dans les villages autour de Kheo Phos. Il s'est tout simplement attaché aux locaux de cette province pauvre, que certains khmers n'hésitent pas à comparer à des animaux primitifs. Il constate que malgré l'école publique ou privée, les enfants ne savent pas un mot d'anglais alors qu'ils ont des cours pendant plusieurs années. Son projet : apprendre l'anglais aux enfants gratuitement par des cours et des jeux et sensibiliser tous les villageois à l'écologie pour qu'installer et utiliser des poubelles devienne un réflexe, plutôt que de tout jeter dans la nature.
Cet ancien punk anar veut prouver que lorsqu'on prend le temps d'observer les gens et leurs fonctionnements on peut faire passer des messages importants en donnant du temps et de l'amour (et quelques claques verbales pédagogiques aux parents) bien plus efficacement qu'avec une liasse de billets. Il n'hésite pas à se confronter ouvertement aux khmers et à les provoquer courageusement, toujours avec le sourire. Les changements de comportement prennent du temps mais arrivent et, surtout, viennent de la population locale elle-même. Ainsi, ils s'inscrivent sur le long terme, bien au delà de la danse de la victoire de Stéphane après l'apparition d'une nouvelle poubelle ! La méthode est empirique et diffère de celles de bien d'autres ONG. On ne cherche pas ici à financer des poubelles que les gens n'utiliseront pas, à faire des distributions de stylos ou à faire changer le mode de vie des locaux, mais juste de leur faire comprendre que le plastique est un fléau et que l'éducation est importante. Pas évident quand certains sont habitués à voir les blancs n'intervenir que comme des portefeuilles.
Stéphane découvre les poubelles au village dans les plantations de caoutchouc et entame une danse de la victoire |
Cela passe par exemple par des phrases chocs du style "l'enclos de tes cochons est plus propre que l'endroit où tes enfants jouent". Après, ils font la tronche mais le lendemain le tour de la maison a été nettoyé. Stéphane ne se fait pas que des amis, c'est évident, et les khmers lui rendent parfois la monnaie de sa pièce, mais même parmi ceux qu'il a bousculés parce qu'ils jetaient des détritus ou jouaient aux paris de cartes (interdits au Cambodge) au lieu de s'occuper de leurs mômes, il parvient à faire bouger les choses et obtient de petites victoires. Après de nombreuses années passées en Asie, il a observé que c'est ainsi que les rapports se passent entre les locaux eux-mêmes.
Ce n'est pas toujours facile car les khmers disent rarement les choses clairement en face. Ils font plutôt sentir les tensions ou laissent place aux ragots. Par exemple, un matin alors que nous arrivions pour le cours et que les enfants étaient tous présents et prêts à jouer, nous retrouvons le tableau posé par terre et nous apprenons par un moyen détourné qu'une jeune femme ne souhaite plus que le cours ait lieu ici. Quelques jours plus tard, le doyen de la famille de cette dernière vient trouver Stéphane et s'excuse auprès de lui, les cours pourront finalement avoir lieu. Ici, les plus anciens ont le pouvoir de décision : si la grand mère décide que le petit fils ne doit plus aller à l'école, il n'ira plus. Et c'est là que l'on retrouve des traces du génocide de la période khmer rouge, quand apprendre et être instruit pouvait mener à l'abattoir. Pour certains anciens, le fait d'apprendre trop jeune risque de rendre les enfants fous.
La Green School a déjà dû changer plusieurs fois de village, mais dans les anciens lieux les poubelles sont en général restées. Les résultats sont là et les enfants viennent étudier et jouer à la Green School avec bonheur.
La Green School a besoin de volontaires. Pour contacter Stéphane ou avoir plus d'informations, visitez sa page web ou sa page Facebook. Nous l'avons contacté via Messenger et Stéphane nous a répondu très vite. N'hésitez pas à vivre cette expérience bouleversante et enrichissante si vous êtes de passage au Cambodge !
Conscience écologique...hein?! Kesako?!
Les locaux nous informent que depuis que la jungle autour de Kheo Phos a été rasée, le temps a changé. Ici tout tourne autour du village, d'ailleurs la plupart des habitants n'ont jamais vu un globe terrestre de leur vie. Mais même à l'échelle du village les changements climatiques sont bien là. Les pêcheurs du village sont obligés d'aller de plus en plus loin des côtes pour pêcher et prennent donc plus de risques avec leurs petits bateaux. D'autant plus que les poissons qu'ils ramènent sont beaucoup plus petits qu'avant.
Nous, quand on voit le nombre de déchets plastiques répandus partout et le lot de saloperies que la mer rapporte à chaque marée on a bien une petite idée de quelques-unes des causes de ces changements. Mais nous avons eu la chance d'avoir reçu une éducation, d'avoir été sensibilisés et d'avoir de courageux éboueurs qui font le nettoyage pour nous.
Ici tout semble avoir été trop vite. Le consumérisme a fait son apparition il n'y a pas si longtemps. Les khmers ont accueillis les nouveaux produits de consommation joliment emballés dans leur plastique coloré mais n'ont pas reçu le message qui allait avec. En deux temps trois mouvements ils sont passés de la feuille de bananier qu'ils rejetaient dans la nature après l'avoir utilisée, au plastique en pensant pouvoir faire le même geste.
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Sympa le jardin |
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Je ferais bien une petite sieste là, moi |
De plus, ici comme à peu près partout en Asie, beaucoup de forêts et de jungle ont été dévastées pour pouvoir planter des palmiers et récolter l'huile de palme et des hévéas pour pouvoir récolter le caoutchouc. La majorité des habitants continue de croire que le plastique, tout comme le caoutchouc, vient d'un arbre et qu'il est donc normal de le retourner à la terre.
Les gamins jouent dans cet environnement et beaucoup utilisent les plastiques qui ont traînés pendant des mois et qui ont commencés à polluer les sols comme jouets. Leur santé se fragilise mais bien sûr comme la chasse est tirée grâce à la mousson une fois dans l'année personne ne fait le rapprochement et les mauvaises habitudes continuent. Dans ce contexte difficile comment leur faire comprendre sans leur jeter la pierre que ce plastique qu'ils jettent allègrement est un danger ?
Un petit tour dans les villages alentours nous suffit à comprendre l'ampleur du phénomène. La merveilleuse surprise restera notre débarquement au village du caoutchouc quand nous avons réalisé que des poubelles avaient été installées partout et que le village était entièrement nettoyé de ses déchets plastiques. Stéphane était tellement content qu'il a payé du whisky pour tout le village.
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L'est pas un peu grand ton biclou ? |
Vendeur de bière de palme |
Un petit café-plastique pour le bébé |
Un autre exemple pour illustrer cette consommation dépourvue d'éducation : alors que nous participons à un cours, une mamie prépare ses poissons à faire sécher au soleil. Elle les dépose délicatement sur un support en bois... sort une bombe d'insecticide Raid et les asperge copieusement ! Ici, on sait que ça tue les mouches, mais on s'est bien gardé de leur passer le message du danger du produit pour la santé humaine. Consomme et ne te pose pas de questions. Les mouches s'en foutent un peu d'ailleurs, 10 minutes après quand nous allons faire la photo elles sont à nouveau là. La même bombe pourra avantageusement servir plus tard à arroser une colonie de fourmis qui déménage son nid en traversant un chemin et qui ne faisait de mal à personne... ou les cheveux d'une gamine qui a des poux !
Poison séché à la bombe d'insecticide |
Il n'est pas rare non plus de voir des enfants de 2 ans à qui on fait boire du café ou une canette d'Energy drink, parfois juste avant d'aller au lit...
La vie à la Green School
Dès 6h30 du matin certains petits débarquent en chantant l'alphabet (A is for Apple, a a apple...) ou les nombres et jouer avec des gros legos ou au ballon en dessous de là où on dort. On se fait donc réveiller tôt le matin en ayant en tête ces chansons pour le restant de la journée, quand ce n'est pas la grand-mère d'à côté qui tape sur les noix de cocos pour les manger à 4h30 du matin. On vous l'a dit : on vit à la khmer avec des khmers.
Les nuits sont assez courtes. Il y a plein de coqs représentant tous les fuseaux horaires possibles (le jour se lève toujours quelque part... un coq crie) et les familles possèdent quasiment tous des élevages de chiens qu'ils laissent hurler à la mort la nuit.
De temps en temps l'acheteur passe et achète quelques chiens aux familles pour les revendre dans les restaurants vietnamiens à Phnom Penh. Génial on a hâte d'y goûter. Un chien est vendu 20$. Mais il n'y a pas que dans les restaurants de Phnom Penh que les chiens se font rôtir. Il suffit de se rendre quelques maisons plus loin de là où on loge. Ah oui tiens maintenant que vous le dites y a comme une petite odeur. Les khmers sont assez durs avec les animaux et les mauvais traitements ont eu raison de pas mal de chiens ici qui sont devenus très craintifs, apeurés, et qui se baladent la queue entre les jambes. Le challenge est élevé mais la récompense est belle quand les bénévoles arrivent à les approcher pour les caresser. C'est souvent l'affaire de plusieurs jours mais une fois apprivoisés ils se révèlent bien plus doux que n'importe quel chien chez nous, les puces en plus. Ils ont bien vite compris que là où on habite ils peuvent avoir des caresses sans s'en prendre dans la tronche et quelques-uns s'aventurent donc au-delà de leur maison pour une caresse bien méritée.
Mais bon, il y a pire : il y a quelques mois une grand-mère a vendu sa petite fille 2000$ à un marchand pour rembourser les dettes de jeux de son père. Voilà voilà. Bien sûr, Kheo Phos ce n'est pas que des claques émotionnelles surprenantes comme celles-là sinon vous vous doutez bien que nous ne serions pas restés. On a eu aussi beaucoup beaucoup de fous rire, on s'est senti très bien, on a découvert des gens hypers attachants bien qu'un peu primaires. Les gamins sont tout simplement adorables et rigolent tout le temps. Mais c'est sûr, il y a un avant et un après Kheo Phos.
La vie au village est paisible et est rythmée par le passage de différents vendeurs ambulants à moto. Tiens, on entend "La lettre à Elise" au loin : le vendeur de glaces arrive. Les enfants accourent et desfois nous aussi.
La journée quand nous passons en vélo, beaucoup se prélassent dans leur hamac. Les femmes jouent souvent au cartes ou font des canevas dans leurs échoppes. Les hommes partent en mer le matin très tôt ou selon la marée. De temps à autre on voit une femme réparer un filet ou une nasse, ou préparer le repas sur un feu de bois. Le long du rivage, des femmes et des enfants ramassent coquillages et crabes pour le dîner. Nous admirons aussi l'agilité de celui qui vend des bières de palme : il grimpe le long du palmier la clope au bec pour récolter le précieux jus sucré de palme. Ce jus fermente ensuite pour donner une boisson pétillante et alcoolisée (sans doute autour de 10%). L'odeur n'est pas terrible mais le goût rappelle un peu le kéfir. Ils vendent ça une misère dans des bouteilles d'eau en plastique. Après 2 bouteilles, on s'écroule pour une sieste bien méritée dans un hamac en cordes : le bar n'est de toute façon ouvert que jusqu'à 13h !
La semaine, nous participons chaque jour à deux cours, l'un dans le village de Phum An (rebaptisé Phum Saamream par Stéphane, Thoungsaamream voulant dire "poubelle" en khmer) et l'autre l'après midi à Kheo Phos, sous la maison où nous étions hébergés. Les plus grands apprennent du vocabulaire, les noms des animaux, les jours, les mois... Pendant ce temps, les petits récitent leur alphabet, les phonèmes, apprennent à écrire les lettres latines dans leur cahier ou à compter. Très vite, ils se jettent sur les legos (on en profite pour caser quelques mots des couleurs des briques) ou jouent avec nous à 123 soleil ou à la marelle. Les rires des enfants résonnent et les nôtres avec.
Pour les repas, soit nous cuisinions sur un butagaz les légumes et les œufs (de canard) que nous allions acheter à l'épicerie du coin, soit nous mangions avec des locaux.
Près du temple, une petite gargote a toujours 4 ou 5 marmites posées avec des plats différents : pour 1,25$ nous avions droit à une assiette de riz avec de la viande et des légumes. Ces repas étaient toujours l'occasion pour Stéphane de montrer aux khmers qu'avec 2 mains on n'a pas besoin de plastique pour porter les choses, ou de leur montrer les poubelles, ou de les féliciter quand leurs maison était nettoyée... Pas de pause pour les braves !
Certains soirs, nous allions dîner chez Mr et Mme Wanna. Pour 2$ elle nous cuisinait un repas de rois pendant que son mari nous comptait ses histoires. Et des histoires, il en a Mr Wanna ! Ses parents ont été massacrés pendant le génocide et il s'est engagé dans les forces spéciales contre les khmers rouges dans un bataillon d'orphelins particulièrement féroce. Il nous raconte ses anecdotes militaires. Les khmers rouges n'ont rendu les armes qu'en 1995 dans cette région et environ 30% de la population reste proche de leurs idées. Selon Stéphane, même si les gens vivent maintenant en paix, les ressentiments sont encore à vif et les problèmes n'ont pas été réglés. Il y a beaucoup de clans dans les villages et avec des armes le conflit pourrait reprendre. Jusqu'en 2006, la frontière avec la Thaïlande a également fait l'objet de tension.
Mr Wanna a également pu voyager grâce à l'armée. Il a été notamment en Angleterre et en Russie. C'est d'ailleurs grâce à ses voyages et son instruction qu'il parle si bien anglais et qu'il fait preuve d'une grande ouverture d'esprit. Son expression favorite reste sans doute "Fuck you!" et il se répète souvent mais il nous apprend aussi beaucoup de choses sur la vie et les croyances des locaux. Par exemple, le fait que les khmers croient tous au fantômes, ou qu'il ne faut pas faire un pas au dessus d'un bol de riz (considéré comme un dieu tangible), ou encore que passer sous un slip ou un pantalon peut rendre fou (pas pratique pour faire sécher sa lessive, interdiction formelle de pendre un caleçon à l'étage !)... Il dispose en outre d'une protection magique héritée de son père (à condition de ne pas manger de poisson frais !) qui lui permet de changer la trajectoire des balles de fusils et de ne pas se faire toucher, pratique.
D'autres repas se font avec nos adorables logeurs. La mère de famille cuisine elle aussi à merveille sur son petit réchaud à bois. Un soir, on nous dit qu'un pêcheur voisin a fait de belles prises. Nous allons voir ça et nous ramenons un énorme poisson de 4kg pour le dîner (pour 8$). Ils nous le cuisinent au barbecue avec un sauce poivre/sel/citron vert. Un délice !
On hésite encore... on mange lequel des trois ? |
La cuisine |
Un ponton qui deviendra un jour une pièce avec un toit |
Le soir, nous regardons des épisodes de la série Black Mirror sur l'ordinateur de Stéphane. Mister Day vient squatter avec nous. Dans un épisode, deux femmes s'embrassent. Nous ne savons pas ce qu'il se passe dans sa tête à ce moment précis, mais cela doit être intéressant. A-t-il déjà vu cela ? Parfois il se met à nous parle en khmer pendant de longues minutes. Nous ne comprenons évidemment rien (même les khmers ne comprennent pas tout ce qu'il dit) mais il continue son monologue... Sa femme finit par passer la tête dans la rampe d'escalier avec un sourire hilare et se moque de lui avec tendresse pour qu'il redescende.
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Bon, là c'est un peu le boxon mais il y a eu du rangement de fait depuis |
Le mot de la fin
On a passé seulement une semaine à la Green School et des anecdotes comme celles là on en a à la pelle. Mais malheureusement l'article est déjà bien long donc on va s'arrêter là. Et puis de toute façon celles que l'on garde pour nous sont quasiment impossibles à retranscrire à l'écrit donc vous ne perdez rien.
On a vraiment adoré cette très belle expérience de volontariat et on espère avoir réussi à retranscrire nos émotions pour que vous puissiez vivre ces moments uniques avec nous. Nous écrivons cet article quasiment un mois après l'avoir vécu et on se rend compte de la richesse de ce que l'on a appris qui va au delà d'un reportage sur le même thème. Certains passages de l'article sont bouleversants et vous ont peut être choqués mais à aucun moment nous avons jugé ces gens et leurs agissements.
On remercie encore Stéphane et la Green School pour nous avoir fait vivre ces moments uniques. Si vous passez par là allez-y, ils méritent vraiment d'être connus par le plus grand nombre pour que les choses changent. Nous en tout cas on hésitera pas! Et le lieu serait si beau, sans tout ces déchets !
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