Une semaine de volontariat à Awhi Farm : permaculture maorie

Le road trip, c'est fantastique. Mais c'est aussi très fatiguant. Alors voilà le moment de se poser un peu dans cette visite de la Nouvelle-Zélande et d'approfondir un peu la culture des maoris en faisant 1 semaine de volontariat à Awhi Farm.


Nous y étions vers le 22 avril 2018, pendant une belle semaine :


Avant de partir, nous nous étions inscrits sur un site pour trouver des missions de volontariat. Après avoir hésité entre HelpX, Wwoofing et Workaway, tous payants, nous avons finalement opté pour le dernier. Il y a des missions dans un peu tout : de la construction, des auberges de jeunesse, des cours de langue et bien sûr des fermes. Le principe est en général de bosser 4 ou 5h par jour en échange d'un lit et des repas. En théorie, avec un visa touristique nous n'avons pas vraiment le droit de faire du volontariat en Nouvelle-Zélande. Mais comme on trouve ça nul de devoir demander un PVT (Permis Vancances Travail) ou un permis de travail juste pour ça... on a cherché quand même et Ophé a déniché Awhi Farm quelques semaines avant notre arrivée. Alors allons-y.

Puisque nous sommes maintenant à nouveau piétons, nous redécouvrons la joie des trajets en bus. Histoire d'être raccord avec nos pâtes au paic citron de la veille et de partir sur le bon pied, nous petit déjeunons... des tartines à la lessive. On avait tout fourré dans le même sac en vidant le van et le sac à lessive a visiblement fuité sournoisement (leçon du jour : ne gardez pas votre lessive en poudre dans la même poche que votre pain de mie, même bien emballée). Ça mousse un peu, on sent la fraîcheur marine propre de l'intérieur, mais on n'a rien d'autre de toute façon !

À Auckland, nous embarquons dans un bus assez classe, avec prise et wifi qui marche presque. Nous devrons changer en cours de route, pour arriver sur le coup de 14h à Turangi... et on attend. Comme personne ne semble nous attendre à l'arrêt, on va chercher un fish and chips à côté, qu'on mange au soleil. On se rend bien compte que ça a l'air mal barré pour que quelqu'un vienne nous chercher, on a dû mal se comprendre, alors on endosse nos sacs et on parcours les 2km jusqu'à la ferme à pieds. La base !

Notre arrivée à la ferme


Nous arrivons à Awhi Farm, où un grand panneau nous confirme que nous sommes au bon endroit : centre for sustainable living and practice. Nous passons un village de cabanes décorées et nous enfonçons sur la petite piste en suivant les panneaux airbnb. Nous passons dans des zones de cultures bien en fouillis, le côté permaculture où la nature n'est pas mise au carrée nous plaît immédiatement. Nous finissons par tomber sur Lisa, qui nous accueille chaleureusement en dansant le haka en nous lançant un "Kia ora" enjoué (un "salut" en maori, qui veut littéralement dire "portez vous bien avec santé"). Impressionnante, cette petite dame au regard pétillant et au menton tatoué (entre autres). Sur son cou, le A entouré des anarchistes : décidément il n'y a que des anars chez qui on fait du volontariat ! (cf. notre expérience de volontariat à la Green School au Cambodge)


Le maori pour les nuls en voyage
Leçon 1 : Comment se présenter et expliquer d'où l'on vient quand on est maori ?
  • "Ko Tongariro te Maunga ko Rotoaira te Moana Ko Ngati Tuwharetoa te Iwi."
  • "Tongariro is my mountain, Rotoaira is my Lake, Ngati Tuwharetoa is my Tribe."
  • "Tongariro est ma montagne, Rotoaira est mon lac, Ngati Tuwharatoa est ma tribue." 
Forcément si on transpose, ça le fait un poil moins : "le saint Q est ma montagne, le lac symphonie est mon lac, cuculotin est ma tribue"... on aura essayé !
Le courant passe tout de suite avec cette maorie au grand cœur et nous rigolons bien en regardant le chien (Honey) qui course le cochon (Carmen), puis le cochon qui course le chien. Cocasse ! En plus, nous, on trouve que Carmen c'est un super nom pour un cochon. Apparemment, Carmen n'aime pas rester dans son enclos et profite de la moindre occasion pour explorer le monde en sautant par dessus la barrière de son petit enclos.


Mieux qu'un motoculteur : voici Carmen, en phase d'exploration
Lisa nous emmène devant sa maison plutôt chouette, construite en matériaux de récup' où elle vit avec sa fille Mary-Blossom. Il y a des outils un peu partout. Elle nous montre un grand tableau blanc. Ça a l'air super organisé, il y a les projets en cours, finis, en attente, style Kaban, la liste des gens qui doivent arriver... sauf qu'en fait non, pas du tout. C'est plus à jour depuis des semaines, ça ne s'efface pas vraiment et en fait les projets partent dans tous les sens dans la tête de Lisa. Un bon gros bordel, dans la bonne humeur. On se marre bien et on a le sentiment qu'on ne devrait pas s'ennuyer !

La maison de Lisa
Et le village de cabanes où nous dormons avec d'autres bénévoles

Comme il est déjà bientôt 15h, les autres workawayers ont fini de bosser et ils sont partis se balader et faire quelques courses pour le repas du soir. Lisa nous dit que le groupe a prévu de prendre une journée off le lendemain pour faire la rando du Tongariro. Vu qu'on l'a foiré la première fois à cause de la météo, on aimerait bien prendre notre revanche. Sans hésiter, Lisa nous dit d'en profiter. Parfait, on commencera notre semaine de boulot par un congé ;-).

Voilà le groupe qui revient justement. Plein de français : Marie, Manon, Sarah, Emilia et Romain, une néerlandaise : Julia, une allemande : Dorothee et une japonaise : Chihiro (mais pas de belge pour faire une histoire drôle). Et ce soir, pour le repas, le chef sera Chihiro qui nous a prévu des sushis maison. Autant vous dire qu'après presque 6 mois sans en voir un, on en remplit des bassines de salive d'avance ! Et ils sont délicieux ! Il y a tout, Sushis, Makis, Miso soup et même des légumes au four vraiment parfaits. Pour compléter le repas et parce que ça caille vraiment (eh oui nous vivons dehors !), nous allumons un grand feu dans lequel nous faisons griller des châtaignes du jardin. Miam !


Chihiro a eu la gentillesse de nous envoyer sa recette de sushis, alors on partage (par contre, vous vous débrouillerez pour la traduction, faut quand-même pas pousser le bouchon dans les orties de mémé Maurice) :

How to make Sushi (small portion of rice with fish on top)
  • Ingredients for 8 to 10 people
    Sushi rice(or rice for risotto) 500g
    Rice Vinegar
    Sugar
    Salt
    Fish(for example, smoked salmon)
    *if possible, Soy sauce and Wasabi
  • Watering rice
    Use 1.2 times water of rice in a pot with rice
    *For example, if you use 5 cups of rice(about 500 g) with a 200 ml cup, you need water 6 cups of water.
  • Cooking rice
    -7 minutes over high heat
    -7 minutes over medium heat
    -13 minutes over low heat
    -to keep closing the top 10 minutes without flame
  • Cooking sushi rice
    -making sushi vinegar(any vinegar you can get).
    -mixing vinegar, sugar, salt
    *For example, if you use 5 cups of rice(about 500 g) with a 200 ml cup, you need a 1/2 cup of vinegar, a 1/2 cup of sugar, and a pinch of salt
    -moving the rice to another bowl
    -mixing the rice and the sushi vinegar. enter the sushi vinegar bit by bit with scrambling up the rice.
  • Hand-shaping rice
    -get bite-sized rice to your hand, and shape as ellipse
    *It is easy to hand-shape with watering your hand sometimes.
  • Putting a fish slice on the top of the rice
    -cut a fish to bite-size
    *I recommend you a smoked salmon as a fish for sushi, because some people can't eat raw fishes.
    -put a fish slice on the top of the rice
  • Preparing soy sauce and wasabi
    If you like, please put it in soy sauce with wasabi.
  • Best part : EAT YOUR SUSHIS

Nous rejoignons notre cabane froide et sans électricité. Heureusement Lisa nous a filé de gros sacs de couchages pour nous emballer. On ronfle tôt, pour être en forme pour la rando du lendemain.

Tongariro Alpine Crossing, la revanche


On ne pensait pas partir dès le début de notre séjour pour prendre notre revanche sur la rando du Tongariro. Comme le groupe y va et que la météo a l'air cette fois clémente, nous nous arrangeons la veille au soir pour partager le trajet jusqu'au parking de fin de rando et réserver une navette pour aller de ce parking au point de départ. Du coup, on est encore plus à l'arrache que la première fois : on n'a pas pu faire de courses et il ne nous reste plus vraiment de bouffe. Heureusement nos comparses nous dépannent d'une boîte de thon ou deux pour le casse croûte et nous embarquons des pommes du jardin de Lisa.

Le réveil à 5h30 nous pique bien les yeux, et il fait pas loin du zéro absolu dans notre cabane. On n'a pas beaucoup dormis, bref on est absolument prêts pour l'épreuve qui nous attend. À 6h15 on rentre dans le van d'Emilia et Romain pour faire la route... et il ne démarre pas. Ahem, ça commence drôlement bien ! Au bout de 10min il crachotte tout son mazout et finit par se décider à ronronner. Allez, on file parce qu'on n'est déjà pas en avance. Emilia est une pilote et nous trouvons une place le long de la route (parce que le parking au pied de la balade est trop petit) pile poil pour avoir notre navette de 7h.

C'est un bus tout pourri avec un chauffeur antipathique au possible. Il se barre en avance en bougonnant et roule comme un con. Certains ont dû rater le bus à cause des 5 min d'avance parce qu'il reste des place dans le bus qui devait être complet. En plus, il fait froid et il n'y a pas de chauffage. Bref, pour le prix du billet (plus de 18 euros chacun pour 30min de bus de qualité indienne) on trouve que ce monopole est une pure arnaque... mais nous n'avons pas le choix parce que la durée de stationnement est limitée à 4h sur le parking en début de rando, là où il faut entre 6 et 8h pour boucler la marche. Malin...

Y a plus qu'à !
Et si le soleil pouvait nous accompagner, ça aiderait bien
On avale notre petit dej et nous sommes ready à nous lancer dans l'aventure à 7h55 pétantes. C'est parti pour 20km de marche. Et cette fois, on n'est pas tout seuls ! Le ciel est bien couvert, on voit peau de bal, et nous doutons un peu d'avoir le soleil prévu par la météo. Après une belle côte, le mont Ngaoruhoe nous fait de belles surprises en apparaissant à plusieurs reprises entre deux nuages : le gris finit par se dissiper, on reprend espoir. Quoi, vous ne connaissez pas ce sommet ?! Et si on vous dit Montagne du Destin et le Mordor, ça vous parle plus ? Eh bien c'est celui-là, et il est magnifique. On ne se risque pas à y grimper, il n'y a pas de chemin et c'est bien raide, mais certains tentent l'ascension du pierrier.

1ère apparition de la Doom Mountain
Un morceau de glace sur le chemin

Il fait froid sur le plateau, avec pas mal de vent, et nous portons toutes les couches de vêtements disponibles dans nos sacs. Le long du chemin, les ruisseaux sont recouverts d'une minuscule couche de glace. Bientôt, le ciel se dégage complètement et nous laisse dans un décor magique. Nous passons par des lieux aux noms aussi pragmatiques qu'imagés : Red crater, emerald lake, blue lake... on ne sait pas du tout à quoi s'attendre. C'est au pied d'un de ces lacs qu'on se fait nos sandwichs, après une longue pente bien casse gueule dans des petits graviers dégringolants.

Un hobbit planqué aux portes du Mordor
Bienvenue sur Mars
Presque en haut ! Si vous regardez bien, un fou se balade en short !
C'est un cratère, il est rouge... c'est... le cratère rouge !
C'est un lac, il est émeraude... c'est le lac émeraude !
Sur fond d'arsenic (vert)
C'est un lac, il est bleu... c'est... le lac bleu !


La fin, on la connaît bien parce qu'on l'a déjà expérimentée. Elle nous paraît donc assez longue, cette foutue descente depuis la cabane explosée par une précédente éruption. On voit le bout à 15h20, après 7h25 de dure rando. Bizarrement, on a moins l'impression d'avoir mal aux pattes que la 1ère fois (on s'étire quand-même bien, parce que ce n'est pas rien).


De retour à la ferme, bonne surprise, la douche solaire a marché à fond et il y a de l'eau bien chaude. Joie, bonheur. On trouve même une douche secrète que les autres n'avaient pas encore trouvée et qui marche mieux que les autres. Bon, ça reste une cabane en planches et comme ça caille dehors on fait fissa (et aussi un peu pour laisser de l'eau chaude à nos compagnons), mais ça fait plaisir. En plus, ce soir Lisa a cuisiné pour 20 personnes pour nourrir les troupes. Au menu, un Puia. Ce plat traditionnel Maori est constitué de légumes et éventuellement de viandes cuit à la vapeur dans une source chaude (carottes, betteraves, ça c'est pour l'Ophé, patates, potiron, topinambours, poulet, agneau). On met le tout dans un grand casier, sous des bâches directement dans l'un des points chauds qui appartiennent à la communauté. 4h minimum, thermostat 5 puis on va rechercher le tout cuit à merveille grâce à la magie de la géothermie. En dessert, crumble aux pommes et châtaignes. Un délice ! 

En suivant ce panneau on trouve...
... la douche chaude, cachée au milieu de la verdure

La vie à la ferme


Vivre une semaine à Awhi Farm, c'est avant tout une expérience de vie dans une petite communauté. Lisa a construit au fil des années un endroit où l'on se sent bien. Elle est autodidacte et c'est grâce aux centaines de bénévoles qui sont passés ici et à des années d'essais que l'ancienne forêt en friche est devenue une ferme presque auto-suffisante. En appliquant les principes de la permaculture, la terre est redevenue fertile. Des constructions faites en matériaux de récupération sont sorties de terre et quelques poules et un couple de porcs, Carmen (on vous l'a déjà présentée en début d'article) et Marcello vivent ici. Marcello est un peu agressif et il reste donc dans son enclos, trop balourd pour sauter la palissade. Mais il adore qu'on vienne lui gratter le dos avec des gants de jardin, tout en se frottant lui même vigoureusement le séant sur un bout de métal. En plus, nous, on trouve que Marcello c'est un super nom pour un cochon.

GROIN ! Et voilà Marcello, fidèle au poste
Pour vivre, Lisa peut compter sur quelques nuitées Airbnb dans ses cabanes et ses sortes de yourtes artisanales, les round houses, à charpente réciproque (une charpente autoportante que nous trouvons très belle). En été, elle organise également un marché une fois par semaine où elle peut vendre certains de ses fruits et légumes, du pain cuit dans un four en terre qu'elle a construit avec des bénévoles et des pizzas. Cela lui permet par exemple de mettre de l'essence dans le réservoir et d'acheter quelques compléments.

Pour le reste, l'électricité est produite par des panneaux solaires et permet de s'éclairer et de charger les portables, les douches sont également chauffées par le soleil. L'eau chaude pour la vaisselle, le chauffage des bâtiments équipés de poêles et le four de la cuisine (un rocketstove ingénieux) sont assurés par du bois récolté dans la forêt. Les toilettes sont sèches : derrière une bâche en extérieur, un seau avec une cuvette et un bac de sciure de bois, pas d'odeurs, pas de gâchis d'eau potable et la "donation" est transformée en composte de grande qualité par des vers de fumier en moins de 2 ans. Pour les petits besoins seuls (plein d'azote), vous serez priés de vous enfoncer un peu dans les bois et de faire cela sur des aiguilles de pins, elles aussi ramassées et compostées. Rien n'est perdu. Les épluchures et restes organiques des fruits et des légumes sont triés et nourrissent soit des lombrics (qui produisent de la bonne terre et du Worm Juice, un engrais liquide super concentré), soit les poules (qui nous offrent de bons œufs frais), soit les cochons (qui ne produisent rien car Lisa n'a pas le cœur de leur faire du mal, mais qui sont trop chous).

Vous l'aurez compris, la vie à Awhi Farm est rustique et économe. Mais nous, on a adoré. Pas besoin de plus pour vivre dans le respect de la nature, et celle-ci nous le rend bien en bon légumes frais. Et ce qui fait la richesse du lieu c'est aussi la joyeuse bande de bénévoles présents en même temps que nous. Grand feu les soirs, atelier dessin, cuisine tous ensemble (du pain, des crêpes, des soupes et autres délices)... cela nous a bien plu. On a tous déjà plusieurs expériences de vie en communauté, entre wwoofing et festivals, les échanges sont passionnés et passionnants.


Bon, évidement, nous étions aussi là pour bosser. La semaine, nous prenions nos outils le matin vers 9h après un bon porridge ou des tartines, et nous travaillions jusqu'à 14h environ. Pas d'outils mécaniques ou le moins possible : tout se fait à l'huile de coude. C'est un des principes de la permaculture : il faut pouvoir se débrouiller intrants, donc sans pétrole. Parmi les activités à cette saison, pas mal de défrichage de parties envahies par les ronces, à la machette et au sécateur (pas fastoche et bien crevant). On gagne ainsi quelques précieux espaces qui seront transformés en potagers l'année suivante. On dégage aussi les pourtours de l'enclos de Carmen et Marcello pour leur construire un espace plus grand, qui se terminera par l'opération "free the pigs" ("libérez les cochons").


 Seb accompagne Lisa dans une mission kamikaze nocturne visant à détruire un nid de guêpes sous-terrain avec une bouteille d'essence, pas de piqûres mais les guêpes ont apparemment survécu à l'attaque. Une fuite d'eau à réparer, un voisin âgé vient prêter main forte pour ces travaux et en échange Seb va l'aider à changer une roue sur sa remorque et lui faire un peu de compagnie. Garry, un SDF recueilli par Lisa, nous accompagne également dans les travaux. Cet ancien chercheur très cultivé est tombé dans l'alcool et la dépression avant que Lisa ne lui offre une seconde chance. Il replonge parfois dans la boisson et devient alors incompréhensible et bougon, mais on sent que son amitié avec la Maori l'aide beaucoup dans sa reconstruction.

Il faut aussi s'occuper des légumes dans la serre (encore pleine de tomates en automne), arroser les épinards qui poussent à hauteur de bras dans d'anciennes baignoires transformées en couches de culture avec réserve d'eau incorporée, récolter les patates et les topinambours... on ne s'ennuie pas ! Dommage, il n'y a pas de constructions en cours. Tout le monde débute et apprend sur le tas, l'infatigable Lisa, quand elle n'est pas occupée ailleurs, part dans tous les sens et n'est pas toujours facile à suivre. Aussi, quand on fait une erreur comme couper le mauvais arbre ou vider un seau de précieux worm juice qu'on a pris pour de l'eau terreuse, elle réagit toujours avec compréhension et bienveillance : "vous ne pouviez pas savoir, c'est en faisant des erreurs qu'on apprend".

Ca va trancher !
Sur le coup de 14h, ceux qui se sont dévoués pour être les chefs cuistos du jour sonnent l'heure de la soupe en tapant avec une barre en fer sur une ancienne bonbonne de gaz découpée et accrochée à un arbre : la cloche s'entend à plusieurs dizaines de mètres. Et il faut reconnaître que chaque repas est un festin, pris ensemble sous une sorte de tente construite sur le modèle de la round house, autour d'une grande tablée ronde, avec plateau tournant ingénieux (habité par une petite souris qui récupère les miettes) pour faire passer les plats et couverts. Mention spéciale aux petits plats de chef Julia, mais aussi aux puias, sushis, pizzas de Lisa, notre soupe aux potirons, aux innombrables crêpes réalisées par Ophé (avec du lait offert par une amie de Lisa et les œufs du jour), des compotes et tout ça et tout ça. On se gave bien !

Une belle pile de crêpes
Le fameux Puia
Atelier pain
Pizza au feu de bois, Carmen et Honey semblent apprécier aussi

La salle à manger
Cuisine toute équipée
La table ronde, et son plateau tournant grâce à un ingénieux roulement à balles de golf

L'après-midi est libre. Nous lisons, écrivons, papotons, certains dessinent. On organise un atelier où Seb et Romain apprennent aux autres à faire du pain, cuit au four rocketstove. Dans ce même four on réalisera également un gâteau au chocolat et un carotte cake pour l'anniversaire de Manon. Pas évident de maîtriser la température de cuisson, mais on s'en sort pas si mal au final.

Avec Honey, le chien de Lisa qu'elle a récupéré dans la rue

Le peuple maori en 2018


Le projet de Lisa, au delà de la permaculture, c'est aussi de partager la culture maori, sa culture.

Comme nous l'avons dit dans nos différents articles, les références aux maoris sont partout en Nouvelle-Zélande. Les noms des rues, des montagnes, des commerces, la célèbre équipe des All Blacks : du maori partout... mais des maoris nulle part. S'ils ne sont pas parqués dans des réserves comme le sont les indiens d'Amérique, il n'en demeurent pas moins en grande majorité à part de la société des sujets de sa majesté la queen. Ici, nous voyons une communauté maorie qui reste soudée et qui commence à réclamer à nouveau leurs droits.

Souvenez-vous : après des années de cohabitation globalement pacifique, en 1840, les maoris signent le traité de Waitangi qui fait d'eux des sujets de la couronne britannique. Beaucoup de chefs ont signé ce texte écrit dans un jargon juridique et traduit de façon ambiguë sans en comprendre réellement les implications. Dans les années 1860, certaines communautés maoris se sentant lésées et dépossédées de leurs terres (vendues aux colons) tentent de rétablir une monarchie maorie et provoquent des affrontements. Cette rébellion est réprimée par le gouvernement colonial et les terres des maoris sont confisquées, y compris aux tribus qui n'étaient pas en guerre. S'en suit une longue période de déclin de la culture maorie. Les guerres mondiales auxquelles les maoris prirent part de façon forcée ou volontaire sous les couleurs de la Grande-Bretagne ont également généré des inégalités de traitement : les soldats maoris reçoivent alors bien moins de reconnaissance pour leur participation à l'effort de guerre que les soldats blancs. Pour les terres restantes aux communautés, le gouvernement n'hésite parfois pas jusque dans les années 60 à les déclarer non cultivables et à y installer de manière autoritaire des exploitations de sapins destinés à l'exportation.

A partir des années 60, le peuple maori et sa culture renaissent de leurs cendres. On assiste depuis au réveil de la fierté des peuples autochtones, ce renouveau du sentiment d'appartenance à des communautés soudées descendantes de lignées de féroces guerriers et héritières d'une culture d'une richesse énorme, basée sur des mythes mettant en avant le respect de Papatūānuku (la Terre-Mère) et sur les traditions transmises oralement depuis des siècles narrant les exploits des ancêtres. Ce retour politique permet aujourd'hui au peuple maori d'être un peu mieux reconnu par le gouvernement Néo-Zélandais et des dédommagements (encore modestes) sont accordés aux communautés spoliées au cours du XIXè siècle.

Et Awhi Farm dans tout ça ?


Parmi les terres rétrocédées, nous retrouvons le terrain sur lequel Lisa peut mener son expérience de permaculture. Ce lopin, encore occupé il y a peu par une forêt de sapins (qu'il a fallu déboiser, et qui ont salement détruits les sols), appartient maintenant à la tribu Ngati Tuwharatoa qui le prête gratuitement à Lisa. Tous les 5 ans, ce prêt est rediscuté par le marai (la réunion des représentants de la communauté). Lisa sait que son expérience peut s'arrêter à cette occasion, mais ne redoute pas la décision du marai : si elle doit s'arrêter, elle partira de bon cœur car elle sait qu'elle a beaucoup appris ici et saura relancer un nouveau projet sur un autre terrain. Elle adore sa ferme, mais ne s'attache pas outre mesure à ces constructions et à ces potagers.

La tribu Ngati Tuwharatoa est aujourd'hui une communauté vivante et qui s'entraide volontiers. Elle a récupéré quelques terres qui peuvent être utilisées par ses membres. Il y a notamment des sources chaudes, dans lesquelles la géothermie est utilisée pour se baigner ou pour cuire les puias.

Préparation d'un Puia traditionnel
Cuisson, 4h
D'autres "fours" sont disponibles

Une école maorie a été créée, dans laquelle Lisa s'implique pour apprendre aux enfants à cultiver leur terre. Malheureusement, la semaine où nous y sommes est une semaine de vacances et nous ne pourrons pas participer à ces ateliers. On vous mets quand même quelques photos des volontaires qui y sont allés une semaine après notre départ.


Des cours d'eau permettent aux maoris de s'adonner à des parties de pêche. D'ailleurs, un soir, nous allons avec un cousin de Lisa faire une tentative complètement foirée de pêche à la mouche. A la base, c'est déjà pas évident de réussir un lancer correct (comprenez où la mouche arrive dans l'eau et où personne ne reçoit un hameçon dans l'œil), mais de nuit alors qu'il fait super froid ça devient carrément impossible. Mais bon, on s'est quand même bien marrés. Même si une voiture de flics rôde pas loin histoire de surveiller que les Maoris ne mettent pas le pied sur les terres appartenant au gouvernement.

Ou comment ne pas pêcher à la mouche
Le dernier week-end avant notre départ, nous devions aider au marai pour couper du bois dans la forêt. Ce bois devait être réparti entre les membres de la tribu, afin que tous et toutes aient de quoi se chauffer correctement pour l'hiver. Nous nous faisions une joie de participer à cette grande fête de la communauté, mais la pluie a rendu ce travail impossible et nous avons dû y renoncer. A la place, nous allons passer quelques heures à Taupo, pour une Gispy Fair qui avait l'air amusante, mais qui renonce elle aussi face aux éléments et ferme à cause de la flotte qui tombe sans discontinuer. Nous nous réchauffons donc dans une taverne autour d'une bière et d'un bretzel, avant de rentrer à Awhi farm et faire un bon feu de cheminée dans la cordwood (une jolie cabane en rondins).


On voit aussi qu'il n'est pas toujours marrant de vivre avec peu de confort quand la pluie s'invite pendant plusieurs jours et s'ajoute à la fraîcheur de l'automne néo-zélandais. Le bois mouillé rend l'allumage des feus très compliqué et nous n'avons pas tellement d'endroits à l'abri pour passer le temps. Au moment de quitter la ferme, nous sommes tristes de partir : laisser ces gens avec qui nous avons passé une super semaine, dire au revoir à cette belle ferme brouillonne mais si accueillante, tourner le dos à Honey à Carmen et Marcello que nous laissons dans leur nouvel enclos et, surtout, dire au revoir à l'adorable Lisa. Un au revoir à la Maori : visage contre visage.

Pour retrouver Lisa et faire du volontariat à Awhi Farm, rendez-vous sur sa page WorkAway : https://www.workaway.info/669793182734-en.html.

Nous reprenons le bus pour Auckland et, bientôt, nous verrons d'autres peuples océaniens dont la culture est proche. Bientôt, nous poserons le pied en Polynésie-Française.

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