Noël entre Kalaw et le lac Inle

Fini le climat doux de la plaine de Bagan, nous reprenons de l'altitude pour faire un trek de 60km (non, non il n'y a pas un 0 en trop ;) ) entre Kalaw et le lac Inle.


Après une courte nuit dans un bus VIP glacial, nous débarquons avec nos backpacks dans la petite ville de Kalaw sur le coup de 5h du matin. Nous sommes à près de 1300m dans la montagne, il fait à peine 10°C dehors et nos vestes sont tout au fond du sac. Glagla. Vite marchons rapidement jusqu'à l'hôtel et faisons une bonne grosse sieste !


Certains fous enchaînent directement à la sortie du bus sur un trek de 2 ou 3j, nous préférons prendre notre temps et partir seulement le surlendemain, le 23 décembre. Cela nous permet de nous promener un peu autour de Kalaw et de voir des caves avec des bouddhas (encore !?) dans une pagode située dans un terrain militaire plutôt classe avec club de golf intégré (on voit où passe notre pognon de Bagan !) et un monastère sur les hauteurs.


Un soir, alors que nous dégustons une pizza de Noël un peu en avance, une chorale de la paroisse catholique locale, vestige du passé colonial, se pointe devant le resto et nous joue 3 chansons de Noël. Dont Feliz navidad... et c'est reparti pour l'avoir en tête pour les 2 prochains jours. Allez, on sait maintenant que vous êtes fans alors on vous en remet une couche même si ce n'est plus trop la saison. Ne serait-ce que pour la gamine habillée en Rudolf qui se dandine en rythme devant ça vaut le coup.



C'est aussi le moment que choisit Ophé pour faire une éruption cutanée. Son dos se couvre de boutons rouges qui grattent et on suspecte un effet secondaire de la malarone, un traitement préventif contre le paludisme au passage bien dégueu que l'on prend depuis une semaine. On se rend dans une première "clinique" où une dame regarde rapidement et n'a pas l'air de bien savoir ce que c'est. Elle nous parle d'un possible début de chickenpox, la varicelle, puis elle refile à Ophé un traitement contre le rhume des foins. Elle n'a pas l'air bien sûre d'elle et comme nous sommes carrément sceptiques par rapport à son diagnostique, nous nous rendons à l'"hôpital" de Kalaw pour un second avis. C'est un bâtiment un peu vieillot dans lequel nous ne voudrions pas être opéré : béton brut au sol, motos dans le couloir, on sent que tout n'est pas bien stérile. Deux infirmières très gentilles nous reçoivent et rigolent bien quand on leur raconte que le premier médecin a parlé de varicelle. Elles n'ont pas bien l'air de trop savoir d'où ça peut venir non plus mais dans le doute elles disent à Ophé d'arrêter la malarone et lui donnent une crème contre les démangeaisons et des anti allergiques plus adaptés. Le système de santé birman a vraiment un gros retard à rattraper. Au bout de quelques jours les boutons disparaissent mais il faudra quand même voir au Cambodge et au Laos où le palu est bien présent, ce qu'on fera avec la malarone...

Il est temps de préparer les sacs pour le trek : comme au Népal on part sur un gros sac pour deux pas trop plein et un petit très léger pour l'eau. L'autre sac sera livré à notre hôtel d'arrivée au lac Inle. Vu que nous avons déjà froid à Kalaw dans notre hôtel (sans chauffage) malgré 3 couvertures, nous décidons de porter nos sacs de couchage même si on nous a dit que ce n'était pas nécessaire. On part sur la version 3 jours - 2 nuits du trek soit 60 km. D'autres se contentent des deux dernières journées et font la première étape en taxi (les faibles ;p). Le départ le premier jour se fait à 9h, nous découvrons le petit groupe de 10 marcheurs (2 françaises, un couple greco-belge en lune de miel, 3 hollandaises, un malaisien et nous deux) et notre guide Tahtah. On a tous à peu près le même âge et nous tissons rapidement des liens avec le groupe. Quand on croise d'autres groupes de marcheurs où personne n'a l'air de vraiment se parler on se dit qu'on a de la chance d'avoir une si bonne ambiance dans le nôtre.

Nous sommes parés !


Cette première étape fait 25 km et commence par une jolie grimpette dans une forêt. Par moments on se croirait un peu dans les Vosges et il y a des sapins. La première pause se fait au bord d'un réservoir artificiel construit par les anglais qui sert toujours de réserve d'eau pour Kalaw. Dès que l'on sort de la fraîcheur des arbres, la chaleur de la journée se fait bien sentir. Vers 13h, nous nous arrêtons pour déguster ce que notre guide nous prépare : un bon curry, des chapattis, de la salade de tomate verte typique de Birmanie (note pour plus tard il faut qu'on trouve la recette) et un délicieux guacamole. Depuis le temps qu’Ophé rêve d'une salade d'avocats, voilà son vœu exaucé ! Nous apprenons avec surprise que la Birmanie produit beaucoup d'avocats et nous sommes pile à la saison, ils sont parfaits. Les paysages ne font pas très asiatiques (ahh le cliché des rizières) et il y a même des chrysanthèmes et des orangers tout autour de nous.






Après le repas nous repartons pour de la descente légère et marchons le long d'un chemin de fer pendant près d'une heure. Heureusement pas de train prévu avant quelques heures d'après notre guide, ça nous rassure un peu. Pas évident de faire des petits pas irréguliers pour aller d'une traverse à l'autre. Les rails ne sont pas toujours bien droits, on imagine facilement le vieux train sautillant qui roule à 20km/h.





La fin de la journée se fait en montée à travers de belles rizières (les voilà !) en terrasses inondables déjà récoltées dans lesquelles broutent des buffles que l'on doit parfois contourner. Nous arrivons bien fatigués dans la maison qui nous servira de refuge pour la nuit. Nous sommes logés chez l'habitant dans un village. Derrière des murs en planches un dortoir a été aménagé avec des matelas au sol et de grosses couvertures. La douche et les toilettes sont à l'extérieur derrière quelques planches et une porte en bambou tressé. L'eau vient directement du puits et il fait moins de 10°C dehors. Autant vous dire qu'on se contente d'une toilette de chat (et c'est là que tu te rends compte qu'emmener un gant de toilette en voyage c'est LA bonne idée!) avant de renfiler nos couches de vêtements dare-dare avant que la nuit ne tombe complètement. À côté, dans l'autre douche, on entend le malaisien hurler... Apparemment il a essayé courageusement de se verser une bassine d'eau sur la tête.


You shall not pass !



Après le repas, un feu est allumé et nous discutons un peu autour de ce bûcher qui nous maintient au chaud. On retrouve le plaisir de l'ambiance des années colo, et les weekends en camping un peu roots avec les potes. Il ne manque que les marshmallows. Tahtah n'en a jamais vu et ne sait pas ce que c'est. On doit admettre que ce n'est pas si évident à expliquer. On s'emballe dans nos sacs de couchage serrés à fond avec 3 couches de couvertures par dessus. Quand on voit la buée sortir de nos bouches on se dit que ça valait drôlement le coup de porter ces 1,5kg supplémentaires ! Dans la maison, comme dans la plupart des maisons birmanes, une pièce est laissée vide : elle sert à accueillir des esprits, les nats, qui protègent le foyer. Pour l'anecdote, Tahtah n'aura pas voulu nous expliquer la raison de cette pièce vide le soir pour ne pas nous effrayer (c'est meuuuugnon!) et on ne la connaîtra que le lendemain. Pas loin, une pagode a décidé de passer des musiques genre tex avery et un audiobook vieillot, souvenir d'un temps où le cinéma n'existait pas en Birmanie, à fond, toute la nuit. On adore...


La famille qui nous a accueillis, le matin au petit déj par 5 degrés

Réveillés à 6h30, difficile d'imaginer qu'aujourd'hui c'est le jour du réveillon de Noël. Nous, c'est un peu comme si on commençait par la promenade digestive du lendemain de réveillon, c'est parti pour 25 km très vallonnés. Ce trek est magnifique car les paysages sont très variés. Tous les 300m, nous avons l'impression d'être dans un autre pays. Rizières, champs de sésame, tournesols, cactus... mais ce que nous préférons dans cette journée ce sont, sans hésitation, les paysans rentrant des champs en famille avec leurs chars à bœufs et leurs récoltes et les champs de piments. Les paysans sont justement en train de les cueillir et les faire sécher. Les enfants accompagnent souvent leurs parents. Nous ne pouvons pas vous retranscrire les odeurs délicieuses que nous traversons alors, vous devrez vous contenter de quelques photos. Malheureusement comme beaucoup de touristes empruntent ce sentier depuis ces dernières années, nous ressentons déjà les méfaits de cette masse et les enfants ont tendance à réclamer des sucreries, des stylos ou de l'argent. Notre guide les engueule fermement dans leur dialecte et leur dit que ce sont de mauvaises manières et que ce n'est pas en mendiant qu'ils réussiront à vivre. Nous serions bien tristes si la Birmanie finissait comme l'Inde.

Y a pas que nous qui ne sommes pas réveillés



Un arbre à Bouddha





L'autre intérêt du trek, au delà des paysages, c'est de voir les différentes ethnies qui peuplent les villages que nous traversons. Notre guide nous explique brièvement leurs histoires et même s'il est difficile de communiquer avec eux nous pouvons voir leurs habits et leurs spécialités artisanales propres. Nous avions déjà pu apercevoir un peu ceci au marché de Kalaw où tous viennent pour vendre et acheter des produits. Il y a plus de 1000 ethnies différentes en Birmanie (ce qui n'est pas sans poser de problèmes) et les mariages ne peuvent avoir lieu qu'entre gens d'une même ethnie.

Par exemple, il y a l'ethnie des "fils du dragon noir", dont les femmes s'habillent en noir avec une sorte de turban orange sur la tête. Pas d'histoire à la Game of Thrones : la légende de ce peuple raconte qu'une dragonne qui avait la faculté de prendre forme humaine conquis le cœur d'un roi sous les traits d'une jolie femme (c'est miiiignooooonnnn). Ne pouvant rester humaine que lorsqu'elle est éveillée, elle dort le jour lorsque son mari va bosser et veille toute la nuit (un peu comme Fiona dans shrek mais à l'envers, pigé ?). Alors qu'elle est enceinte, son mari lui fait la surprise de rentrer du boulot plus tôt pour voir si tout va bien (on dirait un vaudeville) et se retrouve... avec un gros dragon qui pionce sur le canap' du salon. Pas content, il le chasse mais il comprend trop tard son erreur lorsqu'il voit deux œufs, un noir et un blanc. Ils donneront naissance à deux ethnies birmanes, celle qui se décrit comme les fils du dragon blanc et qui s'habille en blanc et celle que nous avons vue. Le turban orange symbolise les flammes. Nous prendrons le thé à côté de l'une d'elles qui tisse à la main de belles écharpes et des sacs en tissus colorés. Un sac lui demande près de 3 jours de travail !





Cette étape est assez éprouvante même si les côtes ne sont pas très raides et le groupe commence à ralentir avec les premières ampoules qui apparaissent vers la pause déjeuner. Ophé commence à avoir mal aux pieds aussi mais il y a pire dans le groupe. Du coup, nous arrivons pile poil pour le coucher du soleil au village vers 17h30, juste à temps pour le regarder disparaître derrière la montagne. Ce qui est intéressant c'est de voir tous les villageois rentrer des champs. En famille, guidant les buffles et parfois sur des chars à bœufs d'un autre temps. Nous avons l'impression d'avoir voyagé un siècle en arrière, à quelques motos près.


Distribution de crème solaire









Nouvelle toilette bien froide à la frontale et nous prenons nos quartiers dans une maison toute en bambou dont les murs ne sont qu'une feuille de bambous tressés. Niveau isolation, on a vu mieux.

Tahtah nous prépare un buffet Birman qui sera aussi pour nous tous notre repas de Noël. La fille belge du groupe fête aussi son anniversaire et il a même réussi à mettre la main sur un petit gâteau, une bougie et 3 ballons. Nous buvons quelques bières, et nous goûtons du whisky birman (dont la bouteille coûte presque le même prix qu'une bière, d'où un certain scepticisme initial !) pas si mauvais à ceci près qu'on dirait du rhum brun et du rhum birman (qui ressemble à du rhum, mais moins que leur whisky). Le guide, le barman (qui nous a offert le whisky, mais en faisant comme si on l'avait acheté pour pouvoir picoler avec nous sans éveiller les soupçons de sa femme) et deux néerlandaises prennent une guitare et chantent des chansons en anglais et en birman autour d'un bon feu de camps. Tahtah nous fait la traduction des paroles, c'est toujours un garçon et une fille et parfois ça marche parfois ça marche pas. C'est à peu près ce qu'on avait saisi des clips des karaokés qui passent dans les bus locaux. Le ciel est très clair et nous voyons un maximum d'étoiles. Tellement romantique! Avant minuit, tout le monde s'écroule au plumard. On a raté le père Noël...

Repas de Noël 2017 : buffet birman


La dernière étape est plus courte, environ 15km, toute en descente, mais on en chie grave. Ophé a maintenant des ampoules aux talons et sur les orteils et chaque pas est difficile. Le couple greco-belge a déclaré forfait, la pauvre ayant un pied vraiment en vrac, et nous double en moto-taxi. Nous, on descend par des chemins creusés par des ruisseaux en période de mousson, dans une terre d'un rouge magnifique. À un moment, nous suivons deux filles qui rentrent du champ en déposant des grains de riz tout au long de leur parcours. Tahtah nous explique que ce n'est pas pour faire comme le petit poucet mais que c'est pour que les esprits protecteurs puissent les suivre jusqu'à leurs maisons. On est bien contents d'arriver au bord sud-ouest du lac Inle pour le déjeuner. 3 ou 4 pagodes hurlent en cœur pour nous accueillir et les musiques saturées se mélangent (mal) dans un vacarme assourdissant.







De là une pirogue pétaradante nous fait traverser tout le lac jusqu'au nord où notre hôtel nous attend pour une douche chaude bien méritée. Au passage, nous voyons des pécheurs. Ils enfoncent un filet dans l'eau avec leur rame tout en guidant le bateau avec leur pied. Ils frappent ensuite l'eau pour précipiter le poisson dans ce piège. D'autres avaient l'habitude de pécher en lançant une grande nasse en forme de cône, mais aujourd'hui cette technique ne sert plus qu'à attraper les billets des touristes qui veulent faire la photo mythique du lac Inle... Le pécheur se réveille lorsqu'une pirogue approche puis vient chercher ses étrennes auprès du photographe. Nous, on a pris de loin et on a demandé au batelier de ne pas s'approcher.









Les jours suivants, le temps se gâte un peu. Nous prenons un jour de glande pour nous remettre du trek et marcher un peu dans Nyaungshwe. Nous sommes bien à plat. On profite de notre petite terrasse qui donne sur un jardinet agréable.

Nous faisons un jour en vélo au nord du lac avec quelques personnes de notre trek, une vingtaine de km assez chouettes où nous traversons en largeur avec les vélos dans une pirogue. Nous arrivons alors pour déjeuner dans un village sur pilotis avec un pont en tek de 500m le long de jardins flottants. Les birmans ont eu l'idée géniale de cultiver sur de la terre posée sur des bandes de jacinthes d'eau et de nénuphars qui flottent à la surface du lac. Ils s'y promènent en bateau et produisent toutes sortes de légumes avec un rendement fou, c'est même là que sont produites la quasi totalité des tomates du pays.










Enfin, nous faisons une journée complète de pirogue dans le lac. Malheureusement c'est aussi le jour le plus couvert et les photos ne sont pas extra. Les pirogues sont très rapides mais leurs moteurs diesel à échappement libre crachent une fumée noire et font un boucan terrible.

Le bateau nous emmène voir le grand marché qui ce jour là est autour d'une pagode qui abrite 5 statuettes de Bouddha sur lesquelles les fidèles viennent coller des feuilles d'or. Il y en a tellement qu'on dirait 5 grosses cacahuètes en or massif. À côté se trouve l'énorme barge royale qui sert une fois par an à promener 4 des cacahuètes autour du lac. La cinquième reste au monastère car la légende raconte qu'un jour d'orage la barge aurait chaviré et qu'on aurait retrouvé que 4 statuettes au fond de l'eau... la cinquième serait réapparue miraculeusement d'elle même couverte d'algues dans le monastère. Depuis on n'y touche plus, des fois que.


Puisqu'on vous dit que c'est un Bouddha !



Au grès des villages flottants sur pilotis, nous visitons également une fabrique de bijoux en argent artisanale où Ophé se trouve de belles boucles d'oreille, une fabrique de Cheroot (parfumés anis miel ou banane, c'est doux), un atelier de tissage d'écharpes en fibres de lotus, une fabrique d'ombrelles. Dans cette dernière, de pauvres femmes girafes sont exposées et tissent pour la plus grande joie des touristes chinois qui se prennent en photo à côté d'elles, téléobjectif collé à leurs visages. Nous retrouvons le côté zoo humain qui nous a déplu lors du repas des moines à Amarapura. Nous repartons bien vite.










Le point le plus éloigné de notre excursion nous amène jusqu'à une pagode étonnante, Shwe Inn Dein. Des milliers de stupas de toutes les formes et de toutes les époques ont été érigés là. Certains sont complètement en ruine, un arbre ayant poussé en plein milieu des briques. On se croirait dans un film d'Indiana Jones au milieu de vestiges perdus dans la jungle...







Pour la suite du voyage, nous hésitions à aller voir les femmes girafes dans leurs villages d'origine, mais nous avons lu des avis très partagés sur l'authenticité des villages en question. Sans guide, difficile de s'éloigner du village-zoo. Vu ce que nous avons vu à Inle et comme nous ne voulons pas cautionner cela, nous préférons faire 15h de bus pour aller dans le sud est du pays, voir les reliefs étonnants de Hpa-an.

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