Beau comme un canyon : Canyonlands

Nouveau chapitre sur le désert. Oui, mais le beau, le grandiose, le sublime désert de l'Utah. Cette fois, nous partons explorer à pied la terre des canyons, dans Canyonlands National Park. Welcome in the Maze.

Toujours autour de Moab, nous visitons Canyonlands Island in the sky le 19 Septembre 2018, reprenons notre souffle le jour suivant au fond de Grandstaff canyon, puis, le 21, découvrons un autre visage du parc avec la partie The Needles.

Un article un peu particulier, car nous n'avons gardé que très peu de notes sur ces 3 jours. Sans doute sommes nous restés sans voix face à la beauté des paysages désertiques qui se déroulaient devant nous à perte de vue. Et il faut bien avouer que ça se passe de commentaires.


L'île dans les nuages

Canyonlands est constitué de plusieurs parties très différentes : Island in the Sky (l'île dans le ciel), The Needles (les aiguilles) et The Maze (le dédale). Si la dernière partie n'est pas facilement accessible, les deux premières offrent déjà un aperçu assez fou de la richesse naturelle brute de ce coin d'Amérique.

A 40 minutes de route de Moab, Canyonlands Island in the Sky s'apprécie à l'aube. Levés en pleine nuit, nous remballons notre bivouac sauvage et dès 6h30 nous sommes aux avant-postes auprès de la Mesa Arche. Pas vraiment seuls, il faut dire que ce petit pont de pierre ocre est célèbre pour le spectacle qu'il offre tous les matins aux courageux venus admirer le lever du soleil en cet endroit précis. Vue dégagée plein est sur les canyons creusés patiemment par la Colorado River au fil des millénaires. A 7h l'astre de lumière pointe le bout de son nez et enflamme le ciel. Par en dessous, Mesa Arch s'illumine elle aussi. C'est l'heure du petit dèj.

Y a pire comme vue pour le petit dèj
De là, nous comprenons mieux le nom donné au lieu. Perchés à 1800m au dessus de la mer, nous sommes en fait sur une mesa, un grand plateau entouré de falaises abruptes. Tout autour de nous, du vide, immense. Cela nous donne effectivement l'impression de nous trouver sur une presqu'île, contemplant sous nous la Terre désolée et accidentée.
Missa, chocottes brunes
Rapidement, le temps se couvre un peu, nous offrant, lorsque des rayons percent à travers les nuages, des contrastes saisissants. Nous avons une vue dégagée sur le lit tourmenté de la Green River.
En 1757 Edmund Burke, philosophe anglais, publie ses considérations sur le beau et le sublime. Ce qui est beau dans la nature aux yeux de Burke, c'est tout ce qui tend vers la vie, le désir, la jeunesse, comme le printemps, tous ces paysages de collines arrondies, de fleurs, de jeunes arbres, ces lumières douces ou ces lacs de montagne où l'on a l'impression de pouvoir vivre. Mais il existe d'autres expériences esthétiques dans la nature qui sont plutôt dirigées vers la mort, vers l'effroi, vers les ténèbres et qui sont des expériences très fortes : assister à un orage, à une éruption volcanique, voir une tempête depuis le rivage, des flots puissants et déchainés. Tout cela convoque pour nous des pensées assez sombres et terrifiantes, avec une émotion esthétique mêlée de peur et d'une certaine vision de la mort. Le beau est du côté de la pulsion de vie et de l'Eros, le sublime est du côté de la pulsion de mort et de Thanatos. Cela permet de comprendre que le beau de la nature n'est pas toujours du mièvre, bucolique et printanier, ça peut être la vision d'un gouffre, l'arrivée de la nuit ou un sommet de haute montagne.
La conversation scientifique, La nature est-elle belle ? 17/11/2018, invité Alexandre Lacroix

Le désert devant nous est comme cela. Apparemment vide, rude. Sublime.

C'est vert, c'est une rivière c'est la Green River
Comme il n'y a pas d'ours par ici, nous pouvons marcher. Nous nous lançons donc sur un sentier un peu escarpé, plus ou moins balisé de cairns, qui longe une falaise abrupte. Là, il y a longtemps, vécurent des indiens natifs, dans un renfoncement de la roche. Comme témoignage de cette tranche de vie passée, ces hommes et ces femmes nous ont laissé les restes d'une construction en pierre, sans vis-à-vis. OKLM.
Tiens, si je plantais la tente ici ?

Grandstaff trail : eau, source de vie

Pour changer de la sécheresse, nous nous garons ce matin le long de la Colorado River. Nous avons repéré le début d'un sentier qui s'enfonce dans le Grandstaff canyon. Une petite rando de 2h30 aller-retour, jusqu'à (vous n'en reviendrez pas) une arche de pierre : la Morning Glory Arch. Nous longeons donc le petit ruisseau qui a creusé ce canyon. Tout le long, cette eau permet à la vie de trouver sa place, aux plantes de pousser, transformant ce four de roche en sillon vert. Nous arrivons enfin à l'arche où nous pique-niquons sous son ombre bienveillante.

Une petite 100aine de kilomètres nous séparent de The Needles. Nous partons donc sur l'US Highway 191. A l'arrivée, nous trouvons un superbe spot de camping sauvage en haut d'une colline, avec un petit foyer en pierres. De là nous surplombons la vallée, qui s'étend, immense devant nos yeux ébahis : well, well well, nous sommes les maîtres de l'Amérique !
Beau comme un camion

The Needles, l'autre visage de Canyonlands

Réveillés par le hurlement des coyotes dans le lointain, nous prenons notre petit déjeuner en admirant le lever du soleil dans un décor enchanteur. Nous voilà en forme et parés pour visiter l'autre bout de Canyonlands, j'ai nommé the Needles. Mais avant cela, il nous reste encore un peu de route, dans une ambiance western.
Graffiti old school
Vous les entendez, vous, les guimbardes ?
Dans cette partie du parc, nous sommes à 2000m d'altitude, pas loin de la confluence entre le Colorado et la Green River. Ici, le Colorado a creusé un large et profond lit dans les couches de roche. A mesure qu'il s'enfonçait, des couches de sel sont remontées à la surface créant des cassures puis l'érosion a fait son travail d'orfèvre pour sculpter à perte de vue des flèches (les fameuses aiguilles), pitons, pinacles et canyons qui nous émerveillent aujourd'hui.

Le ciel se voile des fumées causées par un incendie près de Salt Lake City, pourtant à 500km d'ici
Ce parc propose de nombreuses randonnées. Comme elles font toutes au minimum 4 heures, nous devons en choisir une. Nous jetons notre dévolu pour une plongée dans Chester Park décrite comme "une piste menant jusqu'à un passage surplombant une scénique immensité d'herbes et de buissons du désert, entourée de flèches de grès". Prometteur, isn't it ? Ca l'est. Nous prenons sur notre dos 8L de flotte et de quoi faire nos sandwiches, et on se lance dans la fournaise pour 5 heures de randonnée.
Pique-nique point

Je préfère le désert. Pourquoi ? Parce que... Parce que le désert a je-ne-sais-quoi. Pas terrible, comme réponse. [...]
La mer en mouvement perpétuel, les montagnes vertigineuses, le désert silencieux - qu'ont en commun ces espaces ? et où sont leurs différences essentielles ? Grandeur, couleur, puissance, immensité, puissance [...] : ces qualités-là, ils les ont tous les trois. Chacun a en lui quelque chose d'ultime : les montagnes exemplifient la force brute des processus naturels, la mer cache la richesse, la complexité et la fécondité de la vie sous une surface immensément monotone, et le désert - que dit le désert ?
Le désert ne dit rien. Totalement passif, toujours agi, jamais acteur, le désert gît là comme le squelette nu de l'Être, économe, frugal, austère, radicalement inutile, invitant non à l'amour mais à la contemplation. [...]
Lorsque nous naviguons sur l'océan nous finissons par atteindre l'autre rive et trouvons, comme nous pouvions le prévoir, que tout est à peu près pareil des deux côtés. Pendant la traversée nous ne voyons qu'une immuable étendue ondulante dans les tons verts et gris, et un ciel vide. [...] En d'autres termes, c'est le voyage qui compte, l'attente et l'espoir de ce qui vient : l'océan n'est qu'un moyen de locomotion. [...] La partie la plus attirante de la mer, en fait, est celle où elle rejoint la terre ; c'est le bord de mer que les hommes aiment, pas l'océan lui-même.
Lorsque nous gravissons une montagne, si nous persévérons, nous arrivons au sommet ; nous atteignons, pourrait-on dire, le but. Une fois au sommet, il n'y a rien d'autre à faire que redescendre ; le temps tout là-haut est en général trop hostile pour que l'on s'y attarde ; les conditions ne sont pas propices à la réflexion ou à la méditation. [...]
Le désert est différent. Pas aussi hostile que les pics enneigés, pas aussi vaste et morne que la surface de la mer, il est ouvert - pour qui s'est correctement préparé - à l'exploration oisive, et l'on peut y vivre pendant de longues périodes. [...] Le désert attend là, dehors, désolé et statique et étrange, insolite, et souvent grotesque dans ses formes et ses couleurs, peuplé de créatures rares et furtives, stupéfiantes de ruse et de témérité, colonisé par de curieux mutants du règne végétal, souvent aussi épineux, rabougris, secs et tors qu'ils sont tenaces. [...]
En réponse à la question initiale, donc, je finis par me retrouver à mon point de départ et ne puis que dire, comme j'ai commencé par le faire : Il y a je-ne-sais-quoi dans le désert... Il y a quelque chose, là, que les montagnes, si imposantes et majestueuses fussent-elles, n'ont pas ; que la mer, si brillante et vaste et vieille fût-elle, n'a pas.
Edward Abbey, Désert Solitaire, 1968.

(Petit résumé du livre.) 

Chester Park

Le soir, après une douche bien méritée à la bouteille et à l'eau fraîche dans les toilettes publiques de Moab, nous retrouvons notre 1er camping coup de cœur sur la Colorado River (mais oui rappelez-vous notre dernier article, celui qu'on a publié il y a au moins pfiouuuu 3 mois !).


Denver Biergarten

Nous remballons notre tente pour la toute dernière fois et on verserait presque une petite larme. Nous repartons pour Denver, à 6 heures de route d'ici. En route, nous refaisons le coup de ramener la plupart de notre matériel de camping dans un Walmart qui nous rembourse intégralement sans rechigner. Ca nous étonnera toujours. Pour ce que nous ne pouvons pas rendre comme le butagaz et des sacs de couchage, nous trouvons une antenne locale de la Salvation Army pour en faire don.

Nous avons encore quelques heures avant de rendre la voiture à l'aéroport de Denver, alors nous trainons encore un peu dans les rues du centre ville. Nous voyons plusieurs personnes avec des colliers en bretzel, puis d'autres habillées en bavarois. Intrigués, nous engageons la discussion et nous apprenons que chaque année, fin septembre, une Oktoberfest se déroule dans les rues de Denver. Nous nous y rendons et profitons de l'ambiance : rue barrée, musique, stands de saucisses et tireuses à bière, chamboule-tout avec des fûts nous entourent dans une ambiance DeutschUSA.

Une Franziskaner pour la route

Une dernière pinte avant de quitter le centre des USA et nous rendons notre voiture-salon-cuisine :  nous embarquons au petit matin dans l'avion qui va nous mener à trotter dans la Grosse Pomme qui ne dort jamais : New-York City.

Tschüssi !

1 commentaire:

  1. Les commentaires s'amenuisent mais que les photos sont belles et nous donnent du courage par ce temps pourri.
    Merci de nous envoyer encore plein de belles photos

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